Décisions morales : le rôle des émotions

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La psychologie et les neurosciences ont permis d’établir un constat important au sujet de la moralité humaine : la manière dont nous prenons des décisions d’ordre moral n’est pas le résultat d’une logique froide et calculatrice, mais dépend fortement de nos émotions.

C’est Antonio Damasio (1994) qui a popularisé ce point de vue dans l’ouvrage L’erreur de Descartes, où il présente un argumentaire selon lequel les émotions ne sont pas facultatives pour la prise de décision, et seraient même au contraire un élément crucial. Il illustre d’abord cette idée en présentant plusieurs cas de patients atteints de lésions dans des régions du cerveau participant à la régulation des émotions, soit l’amygdale, le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal. En effet, les individus ayant subi des dommages dans ces régions peuvent développer un caractère indécis ou se mettre à prendre des décisions inappropriées au contexte. Damasio fait pourtant remarquer que plusieurs d’entre eux ne souffrent d’aucun déficit en matière d’intelligence ou de savoir. Par exemple, Elliot, un des sujets présentés, possède un quotient intellectuel au-dessus de la moyenne. Damasio remarque cependant que « sa façon de raisonner totalement de sang-froid pouvait l’empêcher d’attribuer des poids différents aux diverses options qui s’offraient à lui » (p.78).

La prise de décision dépend donc, selon Damasio, de ce qu’il identifie comme des « marqueurs somatiques », et qu’il décrit comme « un cas particulier de la perception des émotions secondaires, dans le cadre duquel ces dernières ont été reliées, par apprentissage, aux conséquences prévisibles de certains scénarios » (p.225). Ces marqueurs provenant du corps et du cerveau nous orientent vers certains résultats prédits, et donc vers les décisions qui y sont associées, par l’entremise d’affects positifs et négatifs.

Damasio nous fait réaliser que pour choisir nos comportements de tous les jours, nous utilisons des sentiments (souvent sans même le savoir) afin de prendre des décisions qui dirigent nos actions. Il ne devrait donc pas être surprenant d’apprendre que, lorsque nous étudions la vie mentale de certains individus que nous classifions comme des êtres immoraux, nous trouvons souvent des anomalies dans leur fonctionnement émotif.

En effet, contrairement à la croyance embrassée par plus d’un philosophe du passé, les individus immoraux ne sont pas nécessairement moins aptes au raisonnement logique. Ils semblent plutôt présenter des réponses affectives anormales.

Par exemple, les psychopathes sont normalement perçus comme des agents moraux inférieurs selon la moralité populaire et les théories dominantes de l’éthique normative. Les études sur ce groupe ne semblent cependant pas démontrer qu’ils possèdent des capacités intellectuelles inférieures. Hare et Neumann (2007), dans une importante recension d’écrits portant sur l’intelligence des individus psychopathes, concluent : « Cependant, une littérature substantielle indique que l’association entre le score total [à un test de psychopathie] et les mesures standardisées d’intelligence est, au mieux, faible (traduction libre, p. 227). »

Les personnes touchées par cette condition semblent également capables d’identifier les émotions d’autres individus (Sommer et collègues, 2010). Les psychopathes seraient donc plutôt caractérisés par l’absence ou la faiblesse de certaines émotions prosociales (empathie, remords, etc.). Les données que nous possédons sur la prise de décisions d’ordre moral portent à croire que des lésions ou une basse activité dans des régions cérébrales impliquées dans la régulation des émotions, comme l’amygdale ou les régions du cortex préfrontal, peuvent mener à des comportements semblables à ceux qui sont observables chez les psychopathes. Ce sont aussi ces régions qui montrent une activité élevée dans les situations de dilemmes moraux de divers types chez les gens neurotypiques.

L’opinion du psychologue social Jonathan Haidt (2001) rejoint celle de Damasio, de Hare et de Sommer. Les travaux de ce chercheur démontrent que les jugements moraux sont souvent la résultante de jugements émotifs suivis d’une rationalisation post-hoc. En d’autres mots, l’explication que l’on donne aux autres et à nous-mêmes pour justifier nos actions ne reflète pas toujours le processus décisionnel utilisé.

Pour conclure, il semble que la base empirique soutenant l’idée que la prise de décisions morales requiert l’émotion humaine est considérable, ce qui va ainsi à l’encontre d’une perspective selon laquelle l’accès à une logique froide et dénuée de sentiments serait nécessaire au processus décisionnel. L’observation du comportement de personnes ayant souffert de lésions cérébrales, du profil neurologique d’individus vus comme immoraux, et des performances de personnes dont les décisions et le sens moral sont atypiques dans des tests cognitifs abondent en ce sens.

Trop souvent, lors d’un conflit, nous regardons l’autre comme un être irrationnel qui a tout simplement tort. Dans les faits, le raisonnement logique de l’autre est souvent valide, mais nous lui assignons des valeurs différentes à cause des divergences entre les émotions et marqueurs somatiques des deux partis. Prendre connaissance des recherches sur l’émotion et la prise de décision peut donc avoir un impact fort important sur la conception de nos conflits personnels.

 

  • Pascal Louis

 

Références :

Damasio, A. (1994). L’erreur de Descartes: La raison des émotions. (2e edition). Paris: Odile Jacob.

Haidt, J. (2001). The emotional dog and its rational tail: a social intuitionist approach to moral judgment. Psychological Review, 108, 814-834.

Hare, R.D. et Neumann, C. S. (2007). Psychopathy as a clinical and empirical construct. Annual Review of Clinical Psychology, 4, 217-246.

Mendez, M. (2009). The Neurobiology of Moral Behavior: Review and Neuropsychiatric Implications. CNS Spectrums, 14, 608-620.

Sommer, M. Sodian, B., Döhnel, K., Schwerdtner, J., Meinhardt, J., et Hajak, G. (2010). In psychopathic patients emotion attribution modulates activity in outcome-related brain areas. Psychiatry Research, 182, 88-95.

L’intervention auprès de réfugiés syriens

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Photo Agence France-Presse

       Le conflit syrien a amené le plus grand flux migratoire des dernières années (Hassan et al., 2016). Présentement, 13,5 millions de Syriens ont besoin d’assistance humanitaire, 6,6 millions ont quitté leur foyer pour se reloger ailleurs en Syrie (UNOCHA, 2016) et 4,8 millions ont fui leur pays, la plupart dans les pays limitrophes comme la Turquie, le Liban et la Jordanie (UNHCR, 2016). Le Canada a pour sa part accepté 26 506 réfugiés à ce jour (Gouvernement du Canada, 2016) dont la majorité sont âgés de moins de 25 ans.

Les quatre groupes armés qui s’affrontent en Syrie (Assad, Daesh, Kurdes, armée libre) (G. Hassan, symposium, 10 mars 2016) ont causé un million de blessés et 250 000 morts, une diminution de 20 ans de l’espérance de vie, un accès compromis à l’eau et aux installations sanitaires ainsi qu’une énorme augmentation de la pauvreté et du taux de violence (UNOCHA, 2016). Chez les réfugiés syriens, les troubles de santé mentale retrouvés sont surtout « des troubles émotionnels, tels que : la dépression, le deuil pathologique, le trouble de stress post-traumatique et plusieurs formes de troubles anxieux.» (61-63, cité dans Hassan et al., 2016, p.13). Par exemple, la guerre amène divers types de deuils, comme ceux de la patrie, des repères, de leurs proches, de leurs biens matériels et de leur vie passée. De plus, le contexte de déplacements et de disparitions rendent ces deuils plus complexes chez les Syriens qui ne peuvent plus effectuer leurs rituels funéraires normaux. Les informations peuvent également être incertaines ou trompeuses concernant les personnes disparues (G. Papazian-Zohrabian, symposium, 10 mars 2016).

Ainsi, les intervenants psychosociaux doivent prendre en compte tous ces aspects traumatiques spécifiques au contexte de guerre lors de la prise en charge de réfugiés. Il est conseillé aux intervenants de tout d’abord stabiliser la situation socioéconomique des réfugiés, puis de renforcer leur résilience plutôt que de leur diagnostiquer immédiatement un trouble psychologique. Afin de travailler auprès d’eux d’une façon adéquate, un rapport fut commandé par l’UNHCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés) auprès d’experts travaillant dans le milieu et mené par Ghayda Hassan (professeure du département de psychologie, UQAM) pour bien saisir leurs besoins psychosociaux en prenant compte de leur réalité culturelle. Voici un résumé des différents points saillants du rapport pouvant intéresser toutes les personnes qui auront à intervenir avec cette population. De plus, plusieurs composantes sur rapport s’appliquent également aux populations réfugiées autres que Syriennes.

D’abord, une des caractéristiques spécifiques de la population syrienne est sa grande diversité, autant dans sa composition ethnique que dans les langues parlées et les religions pratiquées (3, cité dans Hassan et al., 2016). La majorité de la population est sunnite et parle arabe, mais il ne faut pas oublier les autres nombreuses communautés ethniques et religieuses (3, 18-20 cité dans Hassan et al, 2016). De ce fait, le terme syrien peut être réducteur et ne pas correspondre à leur identité. Par exemple, 9-10% de la population est kurde, mais puisque leur langue (kurmandji) fut longtemps réprimée par l’État, certains ne la pratiquent pas (5-7 cité dans Hassan et al., 2016). De plus, avant la guerre, le pays accueillait un nombre non négligeable de réfugiés en provenance de la Palestine et de l’Irak, ce qui ajoute à la diversité ethnique de cette région (21, cité dans Hassan et al., 2016). Ainsi, les identités sont multiples et les rapports sociaux entre les groupes, complexes. En comprenant mieux la vision des Syriens, tout en gardant en tête les spécificités ethnoreligieuses, il est alors possible d’adapter ses interventions afin de répondre le plus possible aux besoins individuels.

Les éléments ethniques, religieux, historiques et sociaux influencent la manière dont l’individu comprend le monde, le sens qu’il donne à la maladie et à la souffrance, les méthodes d’adaptation et les comportements de recherche d’aide (154, cité dans Hassan et al., 2016). Les assises culturelles sur lesquelles se fonde le concept de la personne et les théories explicatives de la souffrance doivent donc être prises en considération dans la planification des services de soins. Par exemple, dans les traditions musulmanes Syriennes, la mort est souvent considérée comme une étape entre deux vies (155, cité dans Hassan et al., 2016), ou les épreuves tels que les conflits comme une occasion de croître spirituellement (155, 157, 158, cité dans Hassan et al., 2016). Dans ce contexte, les diagnostics psychiatriques peuvent être perçus comme étant stigmatisants (Hassan et al., 2016). D’autres peuvent attribuer certaines souffrances à des causes surnaturelle qui ne doivent pas être méprises pour des signes de psychose, mais relèvent plutôt d’une explication culturellement adaptée (174, cité dans Hassan et al., 2016).

Les individus expliquent leurs souffrance par des idiomes de détresse culturellement inscrits, soit « des modes d’expression de la détresse partagés par les membres d’une même culture ou d’une même communauté» (Hassan et al., 2016, p.24). Dans le contexte syrien, le corps et l’esprit ne sont pas considérés comme des entités séparées et les patients vont donc ressentir, vivre et exprimer leur souffrance à la fois physiquement et psychiquement et ne doivent pas être considéré comme vivant des troubles de somatisation. Des métaphores impliquant le corps seront donc souvent utilisées telles que l’expression « chute du coeur » pour exprimer une grande peur.

Encore une fois, les explications et les expressions des troubles peuvent être multiples et coexister au sein de la population syrienne, mais aussi chez l’individu. Les visions de la maladie dépendent des rapports au monde et à l’individu, ce qui varie selon les ethnies et les religions en Syrie. Par ailleurs, même si des éléments culturels sont susceptibles d’influencer les croyances de l’ensemble des Syriens, chaque individu vient avec un bagage propre à ses expériences personnelles. L’intervention doit donc prendre en compte leur singularité.  (Hassan et al., 2016)

« La compréhension des modèles explicatifs et des idiomes de détresse locaux facilite la communication entre les intervenants et leurs clients. » (Hassan et al, 2016 p.24) En effet, il ne faut pas interpréter ces particularités comme un refus de dialogue ou un déni de la détresse psychologique (49,50, cité dans Hassan et al., 2016). Dans tous les cas, il est préférable de demander au patient ce qu’il veut dire par une expression X dans un contexte Y plutôt que d’interpréter ses paroles avec les croyances et les modèles plus «occidentaux». De plus, une ouverture à l’autre et une compréhension de son vécu psychologique permettent d’améliorer la relation thérapeutique en plus de mettre en place des traitements plus adéquats (Hassan et al., 2016). Lorsque la maladie est expliquée par des causes religieuses ou surnaturelles, elle est davantage perçue comme étant une épreuve à surmonter et le recours à des soins de santé serait un raccourci à leur guérison. Dans ce cas, il peut être utile d’avoir une collaboration entre les intervenants, guérisseurs et chefs spirituels afin d’aider adéquatement la personne (179, 180, cité dans Hassan et al., 2016).

Il est important de ne pas pathologiser ce que vivent les réfugiés syriens et de prendre en considération le contexte de violence qui les entoure, les déplacements continuels et les circonstances difficiles. En se basant sur les catégories du DSM, beaucoup de réfugiés syriens peuvent sembler manifester des symptômes de TDAH, ou de dépression majeure, mais ces diagnostics relèvent peut-être tout simplement d’une mauvaise compréhension des symptômes de l’ESPT, surtout chez les enfants (G. Papazian-Zohrabian, symposium, 10 mars 2016). Plutôt que d’étiqueter les réfugiés avec des diagnostics, il est préférable d’avoir une gestion individuelle et en cas par cas des symptômes et des dysfonctions (Rousseau et Hassan, 2015).

Le travail effectué auprès des réfugiés syriens consiste à poser des actions à court et à long terme. Ainsi, à leur arrivée, il s’avère sage d’améliorer la situation socioéconomique du réfugié. En effet, l’amélioration des conditions de vie est un facteur de protection pour la santé mentale. De plus, en assurant un soutien externe fourni par les pairs ou la famille, il devient alors plus facile pour les réfugiés de s’adapter aux conséquences du conflit (57-59, cité dans Hassan et al, 2016). Il est donc conseillé d’agir sur l’unité familiale et la reconstitution de réseaux de soutien. Dans un contexte de guerre, tout le réseau social est souvent touché par les événements. Pourtant, les liens familiaux permettent aux réfugiés de traverser la situation plus facilement en tant que facteur de protection. Les adultes particulièrement peuvent « agir comme tampon » auprès de leurs enfants (Hassan et al., 2016). Cependant, lorsque ceux-ci ne peuvent gérer leur propre détresse, les enfants et les parents doivent trouver un support extérieur (37, cité dans Hassan et al, 2016). À court terme donc, il s’agit de « cibler le soutien initial et la gestion de crise » (114, cité dans Hassan et al, 2016, p.36). À plus long terme, il importe de travailler sur la résilience et les capacités d’adaptation de cette population. En contexte de guerre, et lors de la vie dans les camps, les réfugiés ont le sentiment d’avoir peu de contrôle sur leur vie, ce qui peut favoriser l’utilisation de mécanismes mal adaptés comme le fait de surprotéger ses enfants (88, 37, 91, cité dans Hassan et al, 2016). Certains mécanismes d’adaptation semblent plus efficaces selon le sexe (56, 87, 88, cité dans Hassan et al, 2016) ou l’âge (37, 56, cité dans Hassan et al, 2016) chez les réfugiés, mais dans l’ensemble, il importe de renforcer les situations d’utilisation de mécanismes actifs adaptés, comme sortir, prier, faire des activités collectives, plutôt que passifs ou inadaptés, comme fumer, s’isoler, dormir ou faire utilisation de la violence (88, cité dans Hassan et al, 2016).

En conclusion, lorsque les intervenants entrent en relation avec les réfugiés, ils doivent prendre en considération leur ethnie, leur langue, les idiomes utilisés dans celle-ci, les modèles explicatifs propres aux individus, le vécu spécifique de ces derniers, les mécanismes adaptatifs qu’ils ont et ceux moins adaptatifs à travailler et, finalement, l’aide à long terme autant que celle à court terme.

Cet article met l’accent sur les aspects psychologiques et culturels de la situation des réfugiés avant qu’ils arrivent en terre d’accueil. Cependant,  les réfugiés syriens seront confrontés à plusieurs autres situations en arrivant au Canada qui amèneront leur lot de détresse psychologique. En effet, ils peuvent avoir des problèmes d’intégration au sein des communautés qui ne partagent pas nécessairement leur culture. Ils seront confrontés à l’isolement, au mal du pays, à la discrimination, au racisme, à la déqualification professionnelle et à l’insécurité envers le futur (Hachimi Alaoui, 2006). D’ailleurs, pour un réfugié, cela prend entre 7 et 10 ans pour atteindre une stabilité socio-économique qui permette de subvenir aux besoins de tous les membres de la famille (G. Hassan, symposium, 10 mars 2016). Il y a également une difficulté supplémentaire, car très peu de réfugiés syriens parlent le français ou l’anglais, et doivent apprendre le français afin de bien fonctionner au Québec (Martin et Ouellet, 2016). Or, les classes sont déjà remplies à leur capacité maximale et ceux-ci doivent patienter et freiner leur envie de retourner immédiatement sur le marché du travail (Fimbry, Harrison-Julien et Josselin, 2016). La situation de l’accueil des réfugiés au Québec diffère d’autres provinces canadiennes dans le sens où la plupart des réfugiés sont financés par les familles et non par le gouvernement. Ainsi, l’argent qui leur est donné à leur arrivée est minime et ne suffit pas à couvrir les coûts (Fimbry, Harrison-Julien et Josselin, 2016).

Toutes ces spécificités illustrent bien pourquoi il est primordial de former les intervenants psychosociaux à une telle réalité. À ce sujet, un outil va être mis en ligne très bientôt afin qu’ils puissent travailler adéquatement auprès des réfugiés syriens (SSPC Webinar: Providing Mental Health Care for Syrian Refugees). Entre temps, vous pouvez visionner des vidéos pour approfondir le sujet.

Par Geneviève Drapeau et Caroline Marcoux, étudiantes au baccalauréat en psychologie, en collaboration avec Ghayda Hassan, Ph.D


        Cet article est basé sur le rapport Culture, Contexte du conflit, Santé mentale et Bien-Être Psychosocial des Syriens écrit par Ghayda Hassan et al. Il est possible de consulter la version française du rapport ici, ainsi que la version anglaise ici. Ce texte ne se veut pas une revue de littérature, puisque le rapport a très bien fait cela, mais bien un résumé des informations importantes. Ainsi, par soucis de concision lors de la lecture et d’équité envers les auteurs originaux, les numéros dans le texte renvoient aux références secondaires cités ci-dessous, toutes tirées du rapport. Elles n’ont pas été consultées en entier par les auteures de ce texte.


Cet article est issu de la rubrique « après le bac » : Il s’agit d’offrir un aperçu des thèmes de recherche menés par les professeurs de différentes section en psychologie à l’UQAM, et de les rendre accessibles en les résumant de façon claire et concise. Elle présente aussi différentes voies possibles après le baccalauréat en psychologie afin d’éclairer les étudiants sur les parcours disponibles.

Références

Fimbry, M., Harrison-Julien, P. et Josselin, M.-L. (reporteurs). (2016). Réfugiés syriens : s’enraciner pas à pas [Webreportage]. Montréal, Québec : Société Radio-Canada. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/3/refugies-syriens-canada-quebec-integration/index6.html

Gouvernement du Canada. (2016) #Bienvenueauxréfugiés : Le plan du gouvernement du Canada visant à réinstaller 25 000 réfugiés syriens. Repéré à http://www.cic.gc.ca/francais/refugies/bienvenue/

Gouvernement du Québec. (2016). Statistiques Refugiés Syriens. Repéré à http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/publications/fr/divers/Statistiques_Refugies_Syriens.pdf

Hachimi Alaoui, M. (2006). «Carrière brisée, carrière de l’immigrant : le cas des algériens installés à Montréal.» Diversité urbaine, 6(1).

Hassan, G, Kirmayer, LJ, MekkiBerrada A., Quosh, C., el Chammay, R., Deville-Stoetzel, J.B., Youssef, A., Jefee-Bahloul, H., Barkeel-Oteo, A., Coutts, A., Song, S. & Ventevogel, P. (2016). Culture, Contexte du conflit, Santé mentale et Bien-Être Psychosocial des Syriens (traduit par Mylène Boivin, Lancelot Legendre-Courville, Anne-Sophie Cardinal) : Canada. Repéré à  http://www.sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/2016/02/UNHCRsyrie-francais-fev2016.pdf

Martin, L. et Ouellet, V. (2016, 4 février). Accueillir en français des réfugiés syriens hors Québec : des attentes irréalistes? Société Radio-Canada. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/regions/ontario/2016/02/04/001-francophones-immigration-syriens.shtml

Rousseau, C. et Hassan, G. (2015). Arrivée massive des réfugiés syriens au Québec : Formation destinée aux professionnels. Repéré à http://www.sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/2015/12/Formation-intervenants-syriens_volet1-30dec-R%C3%A9par%C3%A9.pdf

UNOCHA : United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. (2016). Syrian Arab Republic. Repéré à http://www.unocha.org/syria

UNHCR : Agence des Nations Unies pour les réfugiés. (2016). Syria Regional Refugee Response. Repéré à http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php

Le symposium appelé Accueil des réfugiés syriens: situation actuelle et intervention s’est déroulé le 10 mars 2016 au café l’Artère et a été tenu par Garine Papazian-Zohrabian, Janet Cleveland et Ghayda Hassan

Références secondaires

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Vers un traitement préventif de la démence associée à la maladie de Parkinson : la piste du sommeil

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Que ce soit par l’entremise des médias ou à travers la réalité d’un proche, à peu près tout le monde a déjà entendu parler de la maladie de Parkinson, qui évoque pour la plupart d’entre nous l’image d’une personne agitée de tremblements, maîtrisant difficilement ses mouvements. D’autres symptômes courants mais moins connus de cette maladie, pouvant toutefois se révéler encore plus dévastateurs et difficiles à vivre, comprennent entre autres la dépression, l’anxiété, les difficultés du sommeil et les troubles cognitifs. Chez plus de 75 % des personnes atteintes de la maladie de Parkinson (Latreille et al., 2015), le déclin cognitif mènera au développement d’une démence, ce qui s’avère très éprouvant pour le malade tout comme pour son entourage. (Gagnon, 2016) La neuropsychologie participe activement depuis quelques années au traitement actuel de cette maladie en offrant aux patients un soutien complémentaire aux autres soins de santé. Elle contribue également à la recherche sur le sujet en s’efforçant de trouver des facteurs de risque de déclin cognitif détectables plus tôt dans la maladie afin de permettre un diagnostic plus précoce de cette condition difficile et, éventuellement, de prévenir celle-ci au moyen d’une médication neuroprotectrice.

La prise en charge actuelle des personnes atteintes : le rôle du neuropsychologue

Afin d’aider les personnes atteintes de la maladie et leurs proches à mieux comprendre cette condition et à acquérir des outils et des stratégies adaptés pour y faire face, le neuropsychologue, en collaboration avec plusieurs autres professionnels de la santé (médecin, neurologue, ergothérapeute, etc.), agit à plusieurs niveaux. Son rôle principal est d’abord d’évaluer de façon détaillée (c’est-à-dire au moyen de plusieurs tests précis) le profil cognitif des patients afin de cibler leurs forces et leurs faiblesses, dans le but de déceler une éventuelle présence de déficits cognitifs.

Il est également responsable de diagnostiquer de potentiels symptômes de dépression ou d’autres troubles de l’humeur chez la personne et de lui fournir des solutions à cet égard, en la dirigeant par exemple vers des groupes de soutien ou d’autres intervenants du milieu de la santé. De plus, il apporte une aide précieuse à l’entourage du patient en leur présentant des recommandations sur la façon d’agir avec la personne au quotidien, et en leur permettant de mieux connaître et comprendre ses symptômes ainsi que leurs impacts dans la vie courante. Enfin, le neuropsychologue communique régulièrement avec les divers intervenants médicaux pour assurer la précision diagnostique et le suivi optimal de l’évolution du profil cognitif du patient au fil du temps. (Gagnon, 2016)

La recherche de marqueurs précoces de démence dans le sommeil

Par ailleurs, puisque 1% de la population (100 000 personnes au Canada) est actuellement atteinte de cette maladie, principalement des gens âgés entre 55 et 65 ans (Gagnon, 2016), la recherche neuroscientifique dans ce domaine se penche activement depuis quelques années sur l’identification de marqueurs clés pouvant aider à cibler le plus tôt possible les patients à risque de développer une démence. L’intérêt de détecter des marqueurs précoces de démence dans cette population ne concerne pas seulement la planification adéquate de la prise en charge des individus, mais également la possibilité de cibler les personnes qui pourraient bénéficier de l’avènement prochain de nouveaux médicaments neuroprotecteurs (Anang et al., 2014).

Une équipe de chercheurs de laquelle fait partie Jean-François Gagnon, professeur au département de psychologie de l’UQÀM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le déclin cognitif dans le vieillissement pathologique, se penche actuellement sur cette question. Alors que plusieurs études ont déjà identifié des facteurs de risque de démence comme l’âge ou certains problèmes moteurs (Anang et al., 2014), les travaux de l’équipe de Jean-François Gagnon visent plus spécifiquement à investiguer les symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson, en s’attardant particulièrement aux perturbations du sommeil, dans le but de trouver des marqueurs prédictifs du développement d’une démence.

 1. Le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP)

Une très grande majorité de personnes atteintes de Parkinson se plaignent de la qualité de leur sommeil. Outre l’insomnie et les inconforts dus aux problèmes moteurs, un problème assez particulier rencontré chez 35 % à 50 % des patients est le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP). Le TCSP est un trouble qui se manifeste en phase de sommeil paradoxal, phase mieux connue comme étant celle des rêves, où le cortex cérébral est très actif, mais durant laquelle notre système moteur est habituellement paralysé. Chez un individu sain, le cerveau se déconnecte en quelque sorte des stimuli extérieurs pour se centrer sur l’imagerie intérieure particulière aux rêves, et « coupe le contact » entre celle-ci et le système moteur. Mais chez les gens souffrant de Parkinson, des lésions altèrent le fonctionnement des structures du tronc cérébral qui empêchent normalement les motoneurones de commander le mouvement. Le TCSP, pathologie très différente du somnambulisme (qui survient pour sa part durant les phases de sommeil lent), entraîne ainsi la perte de cette atonie caractéristique au sommeil paradoxal, et les individus atteints en viennent à « mimer » leurs rêves, jusqu’à en devenir parfois dangereux pour leur entourage. (Postuma et al., 2012)

Selon plusieurs études transversales récentes, la présence d’un TCSP pourrait constituer un important facteur prédictif du développement d’une démence chez les individus atteints de Parkinson. Lorsqu’il est lié au Parkinson, le TCSP pourrait représenter un certain sous-type de la maladie caractérisé par des symptômes non moteurs plus sévères et prédominants, et un risque de démence plus précoce. Les résultats d’une étude longitudinale menée par l’équipe de Jean-François Gagnon et portant sur 42 sujets atteints de Parkinson sans démence (dont 27 avec diagnostic de TCSP à l’évaluation de départ), confirment cette hypothèse. Quatre ans plus tard, sur les 27 sujets qui présentaient au départ un TCSP (diagnostiqué au moyen d’un polysomnographe), 13 (48 %) avaient développé une démence, comparativement à aucun chez les 15 sujets sans TCSP. Cette étude confirme également certains liens établis antérieurement par l’équipe entre le TCSP et d’autres symptômes cognitifs, notamment une diminution de l’attention, des fonctions exécutives et de certaines capacités mémorielles et visuelles. (Postuma et al., 2012)

2. Les anomalies de l’électroencéphalogramme durant les différents stades du sommeil

L’observation du sommeil a également permis aux chercheurs de l’équipe de Jean-François Gagnon de détecter, grâce à l’électroencéphalographie (EEG), certaines anomalies qui pourraient constituer d’autres marqueurs du développement éventuel d’une démence chez les gens atteints de Parkinson. L’électroencéphalographe, un appareil qui permet d’enregistrer l’activité électrique du cortex cérébral au moyen d’électrodes fixées sur le cuir chevelu du sujet, génère des tracés graphiques des ondes cérébrales représentant l’activité plus ou moins synchronisée de plusieurs milliers de neurones agissant simultanément. Les encéphalogrammes enregistrés au cours d’une nuit, par exemple, permettent de distinguer visuellement les différentes phases de sommeil et les différents rythmes qui leur sont associés selon le type de tracé produit. Des ondes rapides et de faible amplitude seront ainsi associées aux phases d’éveil et de sommeil paradoxal, et des ondes lentes de grande amplitude représenteront l’activité synchronisée des neurones au repos durant le stade 4 du sommeil lent (le plus profond). (Bear, Connors et Paradiso, 2007, p. 617.)

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Photo : Neurosciences. Bear, Connors et Paradiso, 2007

Dans une autre étude longitudinale publiée en 2015, Jean-François Gagnon et ses collègues ont découvert des anomalies des fuseaux du sommeil, qui correspondent à la survenue au cours de la phase 2 du sommeil lent d’oscillations plus rapides momentanées au milieu des ondes un peu plus lentes caractérisant ce stade. L’étude, qui avait notamment évalué au départ les électroencéphalogrammes de 68 sujets atteints de Parkinson et de 47 sujets sains, a révélé des anomalies des fuseaux du sommeil chez les 18 patients qui avaient développé une démence lors de l’évaluation de suivi environ 4 ans et demi plus tard. Ces patients présentaient entre autres des fuseaux de plus faibles densité et amplitude, surtout dans les régions corticales postérieures (pariétale et occipitale), ce qui était également lié chez eux à des capacités visuospatiales diminuées. Comme les oscillations du sommeil lent sont associées au fonctionnement cognitif et à la plasticité cérébrale, des altérations de celles-ci pourraient ainsi signaler l’éventualité du développement d’une démence chez les personnes atteintes de Parkinson. (Latreille et al., 2015)

Enfin, dans des résultats publiés en 2016 portant sur la même cohorte, les chercheurs ont montré que les électroencéphalogrammes en sommeil paradoxal des 18 individus ayant développé une démence présentaient aussi des anomalies, caractérisées par des ralentissements marqués de l’activité électrique, en particulier dans les zones corticales postérieures. Tout comme pour les fuseaux du sommeil au stade 2 du sommeil lent, les ralentissements de l’EEG en sommeil paradoxal étaient corrélés à de faibles aptitudes visuospatiales chez les sujets concernés. De plus, comme le sommeil paradoxal est principalement régulé par le système cholinergique et très peu par d’autres systèmes de neurotransmetteurs, ces résultats s’ajoutent à ceux d’autres études récentes ayant démontré le rôle clé du déficit en acétylcholine dans le déclin cognitif précoce associé à la maladie de Parkinson. (Latreille et al., 2016)

Pour les chercheurs de l’équipe de Jean-François Gagnon, en attendant que des médicaments neuroprotecteurs soient disponibles et en vue de contribuer à la collecte de données supplémentaires à cet effet, cette implication possible du système cholinergique dans le lien entre les anomalies du sommeil paradoxal et le déclin cognitif précoce offre des pistes intéressantes qui devraient être examinées dans de prochaines études longitudinales de plus grande envergure. (Latreille et al., 2016)

Par Marie-Ève Cliche, étudiante au baccalauréat en psychologie

En collaboration avec Jean-François Gagnon, Ph.D., professeur au département de psychologie de l’UQÀM, chercheur au centre d’études avancées en médecine du sommeil et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le déclin cognitif dans le vieillissement pathologique

Cet article est issu de la rubrique « après le bac » : Il s’agit d’offrir un aperçu des thèmes de recherche menés par les professeurs de différentes section en psychologie à l’UQAM, et de les rendre accessibles en les résumant de façon claire et concise. Elle présente aussi différentes voies possibles après le baccalauréat en psychologie afin d’éclairer les étudiants sur les parcours disponibles.

RÉFÉRENCES

Anang, J., Gagnon, J.-F., Bertrand, J.-A., Rios Romenets, S., Latreille, V., Panisset, M., … Postuma, R. B. (2014). Predictors of dementia in Parkinson disease: A prospective cohort study. Neurology, 83, 1-8.

Bear, M. F., Connors, B. W. et Paradiso, M. A. (2007). Neurosciences : À la découverte du cerveau. Paris : Pradel.

Gagnon, J.-F. (2016). Maladie de Parkinson : Doit-on s’intéresser à la cognition? Repéré à https://aqnp.ca/documentation/degeneratif/maladie-parkinson/

Latreille, V., Carrier, J., Lafortune, M., Postuma, R. B., Bertrand, J.-A., Panisset, M., … Gagnon, J.-F. (2015). Sleep spindles in Parkinson’s disease may predict the development of dementia. Neurobiology of Aging, 36,1083-1090. doi: 10.1016/j.neurobiolaging.2014.09.009

Latreille, V., Carrier, J., Gaudet-Fex, B., Rodrigues-Brazète, J., Panisset, M., Chouinard, S., … Gagnon, J.-F. (2016). Electroencephalographic prodromal markers of dementia across conscious states in Parkinson’s disease. Brain, 1-11. doi:10.1093/brain/aww018

Postuma, R. B., Bertrand, J.-A., Montplaisir, J., Desjardins, C., Vendette, M., Rios Romenets, S., … Gagnon, J.-F. (2012). Rapid eye movement sleep behavior disorder and risk of dementia in Parkinson’s disease: A prospective study. Movement Disorders, 27(6), 720-726. doi: 10.1002/mds.24939

 

L’instant présent

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« Ce n’est pas nous qui saisissons l’instant présent, c’est l’instant qui nous saisit.*» J’ai longtemps cherché à saisir l’instant présent. Je me suis reproché à maintes reprises de ne pas avoir su contempler sa beauté, de l’avoir tenu pour acquis et négligé en le déformant parfois par des substances psychoactives pour mieux oublier ses défauts. Car peu importe sa forme, il y avait toujours quelque chose pour le gâcher, comme un inconfort psychologique à propos d’un détail passé ou une anticipation du futur. Je me suis trop souvent laissée surprendre par la rapidité à laquelle ce moment pouvait m’être enlevé ou se transformer d’une seconde à l’autre à cause d’un événement inattendu. D’ailleurs, son caractère éphémère m’effrayait, me tétanisait parfois : que faire pour l’immortaliser, le rendre unique et le vivre pleinement? J’ai essayé de le faire en exerçant plus de contrôle sur les choses, ou en postant des photos sur Instagram de mes activités favorites, le résultat étant que je me sentais toujours aussi étrangère à ma propre vie. Je ne faisais que pleurer sur le moment disparu, en passant à côté de celui qui se présentait à moi, prise dans un cercle vicieux. J’avais toujours l’impression d’avoir un train de retard, manquant ce qu’il se passait dans l’ici et maintenant, comme si j’étais décalée dans l’espace-temps. Je ne me sentais jamais vraiment à ma place, car mon esprit ne suivait pas mon corps, il était souvent ailleurs. J’étais trop préoccupée par les erreurs de la veille pour admirer la réalité du présent, tout en les reproduisant inlassablement comme pour graver moi-même mes failles dans la pierre, les rendre intemporelles. Je me retrouvais ainsi prise dans la répétition fatale et m’apitoyant sans cesse sur celle-ci. Cela gâchait inévitablement mon précieux « instant présent », denrée rare de cette société pressée. Et gâcher son instant présent, c’est gâcher sa vie et s’empêcher d’être heureux. C’est regarder en arrière, disperser son énergie entre ce qui ne va pas et ce qui ne pourrait pas aller, et surtout, c’est une façon de ne pas s’accepter tel que l’on est. C’est refuser de laisser la vie suivre son cours et nous apprendre, nous surprendre, même. Voilà ce que nous faisons lorsque nous essayons de saisir l’instant pour le rendre plus agréable.

C’est alors que j’ai compris la signification de cette phrase : « Ce n’est pas nous qui saisissons l’instant présent, c’est lui qui nous saisit ». Laisser l’instant nous saisir, c’est tout simplement lâcher prise, et paradoxalement, arrêter de s’efforcer à saisir ce moment en voulant l’attraper brutalement avec nos gros doigts, le façonner et le manipuler en y laissant notre empreinte individuelle. En fait, lorsque j’ai cessé de réfléchir à ce que je pouvais faire pour mieux vivre le moment présent et pour qu’il soit parfait, je me suis enfin rendue disponible pour l’accueillir comme tel, sans a priori. J’ai alors pu contempler son imperfection et voir l’imprévu comme un cadeau que la vie me faisait à travers ce fil du temps immuable. Peu importe ce que le temps fait de ma vie, ce fil auquel il est suspendu est continu, il suit un ordre logique. L’instant présent ne fait que se transformer, évoluer et constituer un sens, même si celui-ci ne plaît pas toujours à mon ego exigeant. Il est précieux, certes, mais pas rare pour autant, car il ponctue ma vie de petites unités de bonheur. Mais il faut être entièrement libre de tout jugement pour faire de ce moment un beau souvenir, et pour s’assurer un lendemain toujours plus beau. Ainsi, je deviens une passagère du temps et peux réellement apprécier le voyage en admirant ses couleurs.

Lorsqu’un instant me saisit de sa beauté accidentelle, je me laisse attraper en plein vol pour être caressée par les événements. Je ne me pose pas la question de savoir si j’en profite assez, c’est une évidence car je suis tout simplement heureuse. Heureuse d’être en vie, de pouvoir ressentir cet instant unique qui n’aura pas lieu deux fois de la même manière. Alors, je suis spectatrice de la beauté du présent, et capable de l’honorer sans avoir peur de faire des mauvais choix, quoique mon ego insatiable puisse en penser : l’intuition prend la place du raisonnement épuisant qui était maître de ma conscience. Je ne peux me tourner ni vers le passé ni vers l’avenir, mais seulement me laisser aller à la confiance, trop occupée à me laisser saisir par le présent. Qui n’a jamais fait l’expérience d’un tel moment exaltant? Pourtant, en y repensant, il était loin d’être parfait. Mais avec le recul, on se met à l’idéaliser. Il arrive parfois d’en éprouver une douce nostalgie bienveillante, mais jamais de le regretter, parce que nous savons que ce souvenir est entier tel qu’il est. Et cela parce que nous nous sommes donnés tout entiers à lui, guidés par nos émotions et nos sens, laissant le temps glisser tranquillement. Mais surtout, parce que nous nous acceptions en tant qu’être humain à ce moment précis : imparfaits et vulnérables, mais pleinement conscients, et par-dessus tout, émerveillés par l’instant présent.

 

Monalisa Didier

 

Références

*C. Sutherland et A. Walker-McBay, R. Linklater. (2014) Boyhood (film cinématographique), Detour Filmproduction

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