La prévention du suicide : une perspective masculine

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Par Jake Melara via Unsplash

Janie Houle est psychologue communautaire, professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, chercheure au Centre de Recherche et d’Intervention sur le Suicide et l’Euthanasie (CRISE) ainsi que membre de l’équipe de Masculinités et Société.

Dans le cadre de la semaine de la prévention du suicide, le travail de Janie Houle sur la santé des hommes, et plus particulièrement les hommes dépressifs ou suicidaires, met en lumière la nécessité de se pencher sur ce problème. La chercheure a examiné les différentes raisons pour lesquelles les hommes se suicident ainsi que les méthodes et pratiques encouragées dans le milieu médical et thérapeutique pour diminuer les risques de passage à l’acte.

La chercheure dénote que les troubles en santé mentale sont sous-diagnostiqués chez les hommes, et qu’il existe une forte comorbidité entre la dépression et la toxicomanie chez 42% des hommes décédés par suicide (Séguin et al., 2006). La toxicomanie est prévalente puisque les recherches montrent que l’automédication serait perçue comme moins stigmatisante que la psychothérapie ou la médication au sein de la­ population masculine. (Potvin N., Pham L. V., 2012)⁠

Une étude qualitative réalisée à partir d’un échantillon de 68 hommes en détresse de la région de Montréal montre que ces derniers ne sont pas réticents à demander de l’aide, mais qu’ils se trouvent bloqués par la lenteur du système de service de santé et les nombreuses étapes menant au suivi psychologique par un professionnel (Louis et al., 2013)⁠⁠. Une autre étude conclut que 43% des hommes en dépression préféreraient une psychothérapie contrairement à une pharmacothérapie, mais qu’encore une fois, les obstacles tels que les moyens financiers, le système de santé et la longue attente mettent un frein à leur persévérance (Roy, Tremblay, Guilmette, Bizot, & Houle, 2014)⁠.

De plus, il faut comprendre que l’adhésion au rôle genré masculin augmente le risque de commettre une tentative de suicide en raison de son « impact négatif sur le soutien social, la demande d’aide et l’état mental » (Houle et al., 2008). C’est de cette façon qu’il faut créer des interventions et des pratiques prenant en compte les contradictions entre les exigences de la thérapie telles que dévoiler sa vie privée, renoncer au contrôle, entretenir une relation intime non sexuelle, etc., et les exigences du rôle traditionnel masculin qui incitent plutôt à cacher sa vie privée, à maintenir le contrôle, à sexualiser l’intimité, etc. (Brooks,1998 cité dans Dulac, 2009). Tous ces éléments, et plusieurs autres, sont des actions favorisées en thérapie et sont contraires au rôle masculin traditionnel.

 

Interventions

Lorsqu’un homme entreprend un processus thérapeutique, il est important d’adapter les interventions au contexte de vie du patient. Avant tout, il importe d’accueillir les émotions exprimées et de les légitimer, même s’il s’agit de colère. Cela ne peut que solidifier l’alliance thérapeutique.

Ensuite, plusieurs méthodes peuvent être employées pour améliorer la condition du client. Le thérapeute peut diriger son approche vers quelque chose de plus pragmatique comme la résolution de problèmes jusqu’à ce que le client se sente à l’aise de partager ses émotions.

Concernant la famille, lorsqu’il y en a une, il est important de faire de la conjointe une alliée dans le processus en favorisant la communication et l’écoute entre les partenaires. De plus, le suicide est parfois perçu comme une solution qui soulagera les proches d’un fardeau, il faut lui faire réaliser les conséquences réelles et négatives de ce geste telles que le deuil de ses proches, l’accentuation de leur souffrance et l’augmentation du risque de suicide chez ces derniers. Ainsi, il faut absolument explorer les raisons de vivre de l’individu qui serviront de facteurs de protection dans l’intervention.

Lors de toute intervention avec une personne à haut risque, il est impératif d’évaluer la dangerosité du passage à l’acte et de retirer l’accès aux moyens. Si un problème de toxicomanie est présent, le thérapeute peut alors référer et accompagner son client dans ce processus de traitement des dépendances pour diminuer les risques de comportements suicidaires.

Un des moyens recommandés par plusieurs groupes québécois est de s’émanciper de ce rôle genré traditionnel pour éviter la souffrance causée par l’intégration du modèle masculin. Ce changement social ne pouvant être immédiat, il est important que les intervenants accueillent les hommes tels qu’ils sont pour favoriser un meilleur soutien psychologique.

Par Roxanne Martin

 

Bibliographie 

Houle, J., Villaggi, B., Beaulieu, M.D., Lespérance, F., Rondeau, G., et Lambert J. (2013). « Treatment preferences in patients with first episode depression ». Journal of Affective Disorders, 147, 94-100.

Lajeunesse, S. L., Houle, J., Rondeau, G., Bilodeau, S., Villeneuve, R., et Camus, F. (2013). Les hommes de la région de Montréal : Analyse de l’adéquation entre leurs besoins psychosociaux et les services qui leur sont offerts. Montréal: ROHIM.

Potvin N., Pham L. V., et Damasse J. (2012). Bilan des projets d’intervention et d’évaluation auprès des hommes en situation de vulnérabilité. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Gouvernement du Québec.

Séguin, M., Lesage, A., Chawky, N., Guy, A., Daigle, F., Girard, G., & Turecki, G. (2006). Suicide cases in New Brunswick from April 2002 to May 2003: The importance of better recognizing substance and mood disorder comorbidity. Canadian Journal of Psychiatry, 51(9), 581–586. https://doi.org/10.1177/070674370605100906

L’hypersexualité : dépendance ou hypersensibilité

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Par Vladislav Kaplin via Unsplash

La libido mal contrôlée cause pas mal de torts. De l’expression inappropriée de l’attirance dans plusieurs milieux de travail à l’objectification des personnes, de nombreuses femmes (et certains hommes) sont exposées à une foule de comportements indésirables. À un autre niveau, le harcèlement sexuel, la violence sexuelle et les rapports de pouvoirs qui y sont liés affectent profondément les victimes. Protéger les femmes et changer la culture qui favorise ces débordements sont des éléments essentiels, mais comprendre ces comportements et leurs liens avec la santé mentale est aussi une priorité.

Certains font appel au concept de dépendance sexuelle qui dévie l’attention de l’aspect moral à l’aspect santé mentale. Le modèle emprunté aux Alcooliques Anonymes (les rencontres SAA) qui tente d’accompagner le délinquant sexuel vers le droit chemin est effectivement basé sur la notion de dépendance. Cependant, le concept de dépendance sexuelle est très controversé et plusieurs organisations d’experts concluent qu’il n’y a pas assez de données qui appuient l’existence de ce trouble. Pour plusieurs, c’est comme si on postulait l’existence d’une dépendance à l’agressivité. Certaines personnes ont manifestement des réactions d’irritation ou d’agression hypersensibles et certains ont même des réactions agressives impulsives ou compulsives, mais le concept de dépendance à l’agression est peu ou pas utilisé car les critères de dépendance comme l’habituation, la souffrance liée au manque et le sevrage ne sont pas souvent présents.

L’hypersexualité est complexe et multifactorielle mais elle a plus souvent le profil d’une hypersensibilité ou d’une impulsion conditionnée que celui d’une dépendance. Le désir et les comportements qui l’entourent sont très vulnérables à l’hypersensibilisation, que ce soit par conditionnement, par apprentissage social ou autrement. Les humains peinent à garder harmonieux et adaptés des instincts comme la faim (troubles alimentaires) ou la peur (troubles anxieux). Il est donc prévisible qu’un instinct fondamentalement social comme le désir soit souvent dévié de sa fonction première. Le désir est un instinct influencé par des forces majeures comme le besoin d’attachement, le besoin de statut et de pouvoir, la séduction plus ou moins consciente, le plaisir physique parfois intense et émouvant, ainsi que la répression sociale et ses ramifications (le secret, la honte ou l’envie de transgresser les normes).

Le pouvoir est lié au désir de multiples façons. Le statut social et le pouvoir augmentent le niveau de testostérone. Chez plusieurs espèces, ce dernier augmente chez le gagnant d’un combat de compétition entre mâles et il diminue chez le perdant. Chez certains, même une augmentation de fierté (nouveau statut, nouvelle reconnaissance) augmente la testostérone. Cette hormone favorise le désir chez l’homme et aussi chez la femme en sensibilisant le circuit du désir. Les liens entre désir et pouvoir dépassent bien sûr les poussées de testostérone : en effet, plaire est une source de satisfaction et de fierté, mais c’est aussi une source de statut et de pouvoir et les ados l’apprennent rapidement. L’attraction est un remède à l’insécurité et à l’anxiété. Les charmeurs sont encouragés par les doses de fierté et de pouvoir que le succès de leur performance leur procurent. Certains deviennent conditionnés à la conquête qui devient une impulsion-compulsion plus forte que l’auto-contrôle. Les plus narcissiques peuvent développer un comportement prédateur à cause de leurs lacunes d’empathie et de respect de l’autre. De plus, pour certaines personnes, le pouvoir et le statut social de l’autre est attirant, ce qui peut rendre la personne plus vulnérable et créer une dynamique d’abus.

Le désir est aussi fortement lié à l’amour ou l’attachement. Plusieurs déclencheurs du désir comme la beauté sont aussi des déclencheurs de l’attachement car ils nous rendent émus (il nous font fondre), ils augmentent notre sensibilité émotionnelle et notre vulnérabilité. L’ocytocine secrétée pendant la séduction et les relations sexuelles favorise l’attachement et par conséquent le manque à des degrés divers. Le désir, le sexe et l’amour stimulent aussi des neuromodulateurs puissants comme la dopamine, les opioides naturels et les cannabinoides naturels qui donnent à la sexualité des propriétés de réducteur de stress universel. Le désir et ses ramifications peuvent donc créer une dépendance complexe au plaisir et au réconfort associé à ces substances naturelles du cerveau. Cette dépendance peut être bien vécue, surtout lorsqu’elle est dirigée vers un être aimé qui a des émotions réciproques. Mais pour une personnalité publique hyperactive et stressée qui a un besoin excessif d’être aimé et de réduire son stress tous les jours, le désir n’est clairement pas une drogue appropriée.

Les possibilités de dérapage du désir sont nombreuses. Par exemple, la répression religieuse peut entrainer son lot de frustration sexuelle, de culpabilité et d’anxiété qui donnent au désir caché et à la transgression une force de compulsion annulant les effets de la régulation sociale. Plusieurs voient dans les compulsions de masturbation ou de consommation de pornographie liée à la répression non pas une dépendance, mais bien davantage des relations malsaines et anxiogènes par rapport au désir ou encore des carences affectives.

Plusieurs déclencheurs du désir ont une base génétique mais comme pour les autres instincts, nos déclencheurs de désir sont majoritairement acquis par les associations apprises par l’expérience, comme nos premières expériences de l’enfance et surtout de l’adolescence, mais aussi les médias et la culture. Et quand cette culture favorise la consommation impulsive ou le besoin d’être constamment rassuré sur sa propre valeur, tous les types de désirs peuvent être hypersensibilisés.

L’hypersensibilisation des réactions de désir à de nombreux déclencheurs encourage l’objectification et le morcellement du désir. Ainsi, certains peuvent s’exciter à la vue d’une femme dont on voit à peine les jambes (chantiers de construction…) d’autres à l’idée de toucher (frotteurisme) parce que les souvenirs des sensations tactiles liées aux expériences passées ont acquis un effet envoûtant. Certains sont émoustillés à l’idée d’être vu et de provoquer le désir (exhibitionisme) ou encore à l’idée de tricher en regardant ce qui n’est pas autorisé (voyeurisme).

L’expression de la masculinité est parfois associée à une affirmation excessive du désir qui est socialement inadaptée, voire toxique. Les excès du désir s’expriment surtout quand les freins que sont le jugement, le respect ou les inhibitions sociales ne fonctionnent pas de façon optimale. Ces inhibitions sont bien sûr atténuées par l’alcool et d’autres substances. Elles sont aussi affectées par nos traits de personnalité dont l’impulsivité, l’insécurité ou le narcissisme.

Un assainissement de la sexualité passe bien sûr par une meilleure régulation sociale (déontologie stricte, femmes mieux représentées partout…). Il passe aussi par une meilleure éducation de tous, car c’est aussi un problème de santé publique au même titre que la drogue au volant. En outre, il est urgent de s’adresser aux jeunes dès la puberté sur la réaction de désir saine et contrôlée et surtout sur la différence entre les nombreux déclencheurs de ce désir et les personnes et relations qu’elles accompagnent. Il faut aussi un discours fort pour contrer l’épidémie de vulgarité, d’irrespect, d’égoïsme et de comparaison sociale excessive qui envahit les réseaux sociaux de nos jeunes.

 

Par François Richer PhD, professeur au département de psychologie à l’UQAM

L’épidémie d’intimidation

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Chez les enfants, les réseaux sociaux, le besoin d’être accepté et la rivalité ont toujours été présents. Cependant, à l’ère Facebook, Instagram et textos, les enjeux de comparaison sociale et de compétition sociale sont devenus plus intensifs, plus visibles et plus importants. De ce fait, leur impact sur le stress et la santé mentale a décuplé. En quelques heures, une campagne de salissage sur les histoires d’amour passagères d’une fille de 11 ans peut susciter des réactions de dizaines de ses proches et ruiner plusieurs nuits de sommeil, plusieurs relations et plusieurs travaux scolaires. La reconnaissance sociale est de plus en plus essentielle et mouvante. On peut passer de gourou à rejet en peu de temps. On se compare en continu au lieu de profiter de ce qu’on a. Être au-dessus de la moyenne sous plusieurs aspects (popularité, beauté, réussite, vie stimulante) est une préoccupation très répandue, même si cela pose quelques problèmes statistiques car une grande majorité au-dessus de la moyenne est impossible.

La rivalité entre les personnes est un phénomène naturel. Les humains sont une espèce très sociale et nos instincts de comparaison sociale et de compétition sociale se développent tôt dans l’enfance. On apprend très vite à se chamailler pour des jouets ou pour l’attention d’un autre. On apprend à gagner, à perdre et à négocier. On apprend aussi les rapports de force, l’évaluation des risques et l’ambition.

La provocation fait aussi partie de notre répertoire. Dans certains cas, elle peut servir au jeu et à la camaraderie. Elle peut aussi servir à tester la tolérance de l’autre, son humeur ou son irritabilité. Mais souvent, la provocation sert à envoyer un message pour faire pression, pour se faire plaisir, pour gagner des points sur le plan social, ou pour prendre un certain ascendant, un peu plus de pouvoir. On juge, on critique, on fait des remarques désobligeantes et on dénigre. On ridiculise (un look, une habitude, un commentaire) ou on rejette pour souligner nos différences ou parce que l’autre a osé s’éloigner d’une norme souvent ridicule.

La provocation exprime souvent un besoin de fierté, un besoin de prendre sa place ou d’être reconnu. Les personnes qui ont été exposées à des revers, des rejets, un milieu agressif, un encadrement très strict, ou à des attentes très élevées peuvent parfois provoquer leur entourage plus que la moyenne. Le trouble oppositionnel, dont la prévalence augmente aussi vite que l’hyperactivité, apporte aussi son lot de jeunes provocateurs, certains plus inoffensifs, d’autres moins.

La provocation bascule vers l’intimidation quand un comportement est menaçant ou humiliant. Les exemples d’intimidation que l’on voit le plus fréquemment sont des gestes de violence verbale ou physique ; par contre, l’intimidation peut être plus insidieuse quand elle consiste à isoler, rejeter ou humilier une personne. Même une campagne de rumeurs ou de désinformation peut conduire à l’anxiété, la dépression et même au suicide.

Les comportements de compétition sociale sont faciles à développer car ils procurent des plaisirs passagers. De plus, leur popularité est surtout limitée par le niveau de tolérance de l’entourage, la réprobation sociale. Quand les réprobateurs (amis, adultes) sont trop absorbés par autre chose ou encore qu’ils manquent eux mêmes d’empathie ou de jugement, l’agression et les dommages qu’elle cause peuvent passer inaperçus. Les enfants qui dénigrent ou intimident d’autres enfants ont souvent peu conscience de l’impact de leur geste. Ce n’était ‘que pour jouer’ après tout. Certains peuvent même rester attachés à leur victime et ne pas comprendre qu’elle s’éloigne d’eux suite à des dénigrements répétés.

On sous-estime souvent les conséquences émotionnelles de la compétition sociale. Chez certains enfants, il en faut peu pour créer des lacunes dans la confiance en soi. Rabrouer les personnes qui provoquent et qui intimident peut être stressant, mais cela essentiel puisque ces gestes diminuent quand ils rencontrent de la résistance. Résister ne veut pas dire escalader le conflit mais montrer que la provocation entraine des conséquences négatives. La résistance à l’intimidation doit en outre venir de tous les témoins petits et grands, de l’entourage de l’intimidateur et de celui de la victime. La résistance est un acte d’affirmation qui améliore la confiance en soi. La valorisation de l’affirmation chez l’enfant (en famille, à l’école ou dans les médias) a des effets positifs clairs. Elle aide à contrebalancer le besoin d’être accepté ou d’être populaire qui ont des priorités élevées.

Une autre approche fructueuse contre l’intimidation est la réduction des communications intensives dans les réseaux sociaux. De plus, certains travaux montrent que la compétition physique et l’activité physique aident à réduire la compétition sociale. Ainsi, les activités collectives (avec des changements fréquents dans la composition des groupes) peuvent réduire les rivalités. En outre, la complicité et la cohésion augmentent avec une souffrance commune comme un défi majeur ou un travail difficile où le groupe est un atout. Elles augmentent aussi si on partage un ennemi commun, que ce soit une autre école, un enseignant sévère ou une administration inflexible.

Un facteur négligé dans l’intimidation est la susceptibilité à la provocation. Les enfants et les adultes sont de plus en plus susceptibles au désaccord et aux critiques constructives en plus des insultes, rejets et autres provocations plus graves. Cela encourage l’escalade des conflits. Chez certains, une taquinerie ou une blague peut facilement être comprise comme une insulte ou une attaque personnelle et mettre un frein à une interaction ou même à une relation. La susceptibilité peut sembler opposée à la provocation, mais ces deux comportements vont souvent de pair. Les enfants qui ont des comportements d’opposition ont souvent tendance à provoquer leurs pairs même s’ils sont eux-mêmes hypersensibles à la provocation. Comme la susceptibilité favorise l’escalade des conflits et l’intimidation, réduire la susceptibilité à la provocation est aussi une avenue d’intervention contre l’intimidation. En plus de l’affirmation et d’un rapport de force, la provocation peut parfois être désamorcée par le peu de réaction qu’elle provoque.

En général, l’intimidation diminue aussi avec la formation de l’intelligence émotionnelle, la sensibilisation sur les impacts émotionnels du jugement social, des atteintes à la réputation et des menaces, surtout avec des exemples concrets et un suivi des situations à risque dans le milieu.

Par François Richer, PhD, professeur au département de psychologie à l’UQÀM

La socialisation à l’école maternelle au Québec et en Ontario : une analyse des programmes de formation à l’école maternelle

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Les habiletés sociales des enfants du primaire sont un indicateur puissant de leur réussite scolaire plus tard au secondaire (Denham et al., 2003). La comparaison de programmes de formation en ce qui a trait à la socialisation à la maternelle suscite donc un intérêt particulier. Au Canada, chaque province ou territoire a la compétence légale pour administrer son système d’éducation, et donc aussi la socialisation qui en découle. Parmi la multitude de programmes de formation qui auraient pu être choisis pour la comparaison avec celui de l’école québécoise, celui de l’Ontario a été retenu ici. Une des raisons de ce choix réside dans le fait que ces deux provinces sont voisines, et qu’elles se ressemblent par leur géographie et leur climat. Même si leur langue dominante n’est pas la même (français au Québec et anglais en Ontario), les types d’activités commerciales et industrielles sont comparables entre ces deux provinces, de même que leur population. Il s’agit dans les deux cas d’économies basées en grande partie sur les services et sur la production de biens. La comparaison des programmes de formation de ces deux provinces permettra donc de dégager les éléments semblables et différents selon trois axes : l’orientation générale du programme de formation, l’orientation de la socialisation à l’école maternelle, et enfin, l’évaluation de la socialisation à la maternelle.

Étant donné que la définition de la socialisation n’est pas la même dans le programme de formation de l’école québécoise et dans celui de l’Ontario, les deux définitions seront présentées ici.  Le lecteur prendra soin de garder à l’esprit ces définitions divergentes tout au long de la lecture de cet article. Pour sa part, l’Ontario voit le développement social et personnel de l’enfant comme l’apprentissage de la vie en harmonie avec les autres (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2010). Le développement des habiletés interpersonnelles nécessaires pour bien communiquer et coopérer fait également partie de la tâche de développement personnel et social dans cette province. Au Québec, la socialisation est vue comme l’apprentissage du vivre-ensemble. L’école y joue un rôle d’agent de cohésion en contribuant à cet apprentissage ainsi qu’au développement d’un sentiment d’appartenance à la collectivité. Elle est également responsable de la transmission des savoirs communs et de la promotion des valeurs à la base de la démocratie, de même que de la préparation des jeunes au statut de citoyens responsables. Elle doit également chercher à prévenir en son sein les risques d’exclusion qui compromettent l’avenir de trop de jeunes (ministère de l’Éducation du Québec, 2006).

  1. Méthodologie: analyse des deux programmes

Pour le Québec, le Programme de formation de l’école québécoise : éducation préscolaire et enseignement primaire (PFÉQ), publié en 2006, est utilisé. Pour l’Ontario, le document consulté est le Programme dapprentissage à temps plein de la maternelle et du jardin denfants (PAO), version provisoire publiée en 2010.  L’introduction des deux documents sera analysée pour faire ressortir les tendances générales des deux curricula. Les pages qui correspondent à cette section sont les pages 1 à 10 dans le document du programme québécois, et les pages 5 à 9 dans celui du programme ontarien.

De plus, les compétences transversales Coopérer et Structurer son identité (pages 32 et 34-37) et les comportements sociaux associés à la compétence Interagir de façon harmonieuse avec les autres seront analysés dans le programme de formation de l’école québécoise. Les comportements spécifiques relatifs à la socialisation pour chacune de ces compétences seront rassemblés dans des tableaux pour présenter l’information de manière efficace (tableaux 2 et 3). Le même travail sera effectué dans la section Développement personnel et social (pages 60 à 68) du programme de l’Ontario.

Enfin, une analyse comparative des expressions utilisées et des concepts présents dans chacun des deux documents officiels sera effectuée afin d’en décrire le contenu puis d’en dégager un sens.

  1. Les grandes orientations des deux programmes

2.1.1 Le Programme de formation de l’école québécoise : une formation globale

            Avant la réforme de 2006, les changements les plus significatifs dans le curriculum scolaire québécois sont survenus à la parution du rapport Parent (Parent [1960], dans Ministère de l’Éducation du Québec, 2006). Ces modifications en profondeur visaient à démocratiser l’école et à favoriser l’égalité des chances pour tous. Toutefois, dans les décennies qui ont suivi, les autorités ont constaté des problèmes sur le plan de la scolarisation, de la formation et de l’encadrement éducatif dans le réseau des écoles québécoises. En effet, l’augmentation du nombre de jeunes en adaptation scolaire, les interruptions et les réorientations de parcours, de même que le nombre d’analphabètes fonctionnels ont révélé les limites de l’ancien système (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006).

C’est dans la foulée des réformes du domaine de l’éducation survenues ailleurs dans le monde que celle du Québec a vu le jour. Pour s’y préparer, plusieurs consultations ont eu lieu auprès de différents intervenants (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006) pour déterminer les attentes sociales à l’égard de l’école et du curriculum. C’est en considérant les résultats de ces consultations que le nouveau programme affirme s’appuyer sur des données actuelles en recherche sur l’éducation. Il s’en dégage trois orientations fondamentales de la formation : une formation globale et diversifiée, une formation à long terme et une formation ouverte sur le monde. La formation globale et diversifiée est concrétisée par l’enseignement de compétences issues de plusieurs disciplines. La formation est dite à long terme lorsqu’elle prétend développer chez les élèves des compétences qui vont leur permettre de s’adapter à un monde en changement et qui ne sont pas axées seulement sur une utilisation immédiate. Enfin, la formation est ouverte sur le monde dans la mesure où elle encourage les jeunes à faire des apprentissages issus d’expériences et de connaissances de partout dans le monde et où elle reconnaît l’aspect multiculturel de la société canadienne. Dans son introduction, le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) mentionne d’emblée l’importance des changements qui sont survenus dans les sociétés au cours des dernières décennies. À cet égard, le ministère dégage cinq axes de changements : la vie familiale, les relations sociales, la place de la technologie dans la vie quotidienne, la structure économique et l’organisation du travail. Ces changements amènent nécessairement de nouvelles exigences personnelles et professionnelles pour les citoyens qui doivent évoluer dans une société du savoir en perpétuel changement.

Afin de mieux définir le rôle de l’école québécoise, trois missions lui sont attribuées : instruire, socialiser et qualifier. Sa mission d’instruction concerne les apprentissages que les élèves effectuent et l’acquisition de compétences dans les disciplines[1] du programme. L’école québécoise veut également assurer le développement cognitif et intellectuel des élèves, le développement de leur esprit ainsi que leur maîtrise des savoirs qu’elle enseigne. L’acquisition des compétences est aussi partie prenante du rôle de qualification de l’école, parce que l’école sanctionne l’atteinte de ces compétences par l’émission d’un diplôme. La mission de qualification de l’école québécoise fait aussi référence à la responsabilité des écoles d’offrir des programmes adaptés aux intérêts des élèves, à leurs aptitudes et à leurs besoins. Chaque établissement doit présenter son plan pour mettre en œuvre et enrichir le programme de formation. La socialisation, quant à elle, ne fait pas l’objet d’une sanction directe au même titre, par exemple, que les contenus disciplinaires à faire apprendre. L’école demeure tout de même un agent de socialisation important dans le parcours d’un élève, puisque celui-ci y passera une grande partie de son temps jusqu’à sa diplomation ou jusqu’à ce qu’il abandonne l’école.

2.1.2. Une approche par compétences

            Le programme de formation de l’école québécoise propose une approche par compétences. Dans le document ministériel, une compétence est un « savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources » (Ministère de l’Éducation du Québec, 2006). Le gouvernement soutient ainsi une composante de connaissances dans la socialisation. En effet, nul ne saurait être socialisé dans une culture sans connaître des événements historiques et des caractéristiques propres à la culture en question. Par exemple, au Québec, savoir qu’il fait partie du Canada et que la langue française y a un statut privilégié sont des éléments importants et déterminants dans l’éducation des jeunes.

De plus, le PFÉQ comporte plusieurs domaines généraux de formation[2] dans lesquels se retrouvent les différents domaines d’apprentissage[3] qui regroupent quant à eux les disciplines d’apprentissage. Chaque discipline se concentre sur un certain nombre de compétences à maîtriser, et les savoirs spécifiques à acquérir se trouvent détaillés pour chacune d’entre elles. Selon le ministère, les apprentissages des élèves sont assurés en partie par l’acquisition de compétences dites « transversales ». Ces compétences ne se limitent pas à une seule discipline ou à un seul domaine d’apprentissage, et sont le plus souvent sollicitées de façon simultanée (plusieurs compétences transversales à la fois). La mission de socialisation de l’école québécoise s’effectue au moyen de deux de ces compétences transversales : Structurer son identité et Coopérer. Au préscolaire, toutefois, il y a une compétence spécifique à la socialisation : Interagir de façon harmonieuse avec les autres.

2.2 Le Programme dapprentissage de lOntario : le développement de l’enfant

            Le Programme dapprentissage de lOntario (PAO) s’aligne quant à lui dès les premières pages sur l’enfant, de même que sur ses stades développement. Il n’y a aucune mention de la vague de réformes dans les autres sociétés comme on en trouve dans le PFÉQ. Le PAO mentionne ses objectifs à l’égard de l’épanouissement de l’enfant, qui se manifeste sur plusieurs plans : épanouissement physique, social, affectif, émotif, cognitif et langagier; autorégulation; santé, bien-être et sentiment de sécurité; curiosité; confiance en l’apprentissage; respect des différences des camarades et culture. Les objectifs principaux de l’école maternelle ontarienne sont d’établir des bases solides pour l’apprentissage, d’augmenter les chances de réussite tant à l’école qu’à l’extérieur de l’école, et de favoriser la construction identitaire des enfants. Toujours dans ses premières pages, le PAO présente un modèle écologique de l’éducation dans lequel plusieurs systèmes sont interreliés : la famille, l’école, la communauté et le monde. Il reconnaît ainsi d’emblée l’importance de ces interrelations dans le développement de l’enfant.

Le PAO est basé sur six principes fondamentaux[4] qui guident le rôle de l’école, son orientation, de même que la philosophie qui sous-tend l’enseignement à la maternelle. Ces principes permettent de guider la définition des rôles des enfants, des parents, des écoles, des enseignants et des autres intervenants qui gravitent autour des élèves. Ils éclairent aussi les choix quant aux habiletés dont l’équipe-école doit favoriser le développement. Finalement, ils sont le reflet de certaines valeurs inhérentes à la société ontarienne, notamment l’ouverture aux autres et une perspective multiculturelle dans la socialisation des élèves.

2.3 Comparaison des grandes orientations des deux programmes

            Les deux programmes de formation partagent certaines orientations (voir tableau 1). Le jeu est présenté dès les premières pages dans le PAO, et le PFÉQ consacre deux pages spécifiques (52-53) à celui-ci. Dans les deux provinces, cette approche pédagogique est préconisée, car elle met les enfants en situation naturelle d’apprentissage et leur permet un certain degré de liberté. Le jeu est, pour les enfants, un excellent véhicule pour faire des apprentissages sociaux, et il revêt donc une importance particulière dans la socialisation. Quoiqu’en disent les programmes, l’utilisation du jeu à la maternelle laisse transparaître une préoccupation pour le développement des compétences sociales des élèves.

Tableau 1: Résumé des orientations générales du PFÉQ et du PAO

ORIENTATIONS GÉNÉRALES DES DEUX PROGRAMMES
PFÉQ PAO
Données actuelles en recherche Données actuelles en recherche
Formation à long terme Établir des bases solides pour l’apprentissage
Formation globale et diversifiée  
  Transition harmonieuse vers la première année
Réussite pour tous, pouvoir s’adapter à un monde en perpétuel changement Favoriser la réussite scolaire et extra-scolaire
Orienté vers le jeu Orienté vers le jeu
Centré sur l’approche d’enseignement (compétences) Centré sur l’enfant et les stades de développement
Domaines généraux de formation : vivre-ensemble et citoyenneté, santé et bien-être, orientation et entrepreneuriat, médias, environnement et consommation. Épanouissement physique, social, affectif, cognitif, langagier, curiosité, confiance en l’apprentissage, autorégulation, santé, bien-être, sentiment de sécurité, respect des différences des camarades, culture.
Compétences Apprentissage actif, prendre en main leurs apprentissages

 

 

2.4 La socialisation dans les deux programmes

2.4.1 La socialisation dans le PFÉQ

            Le programme de formation de l’école québécoise (Ministère de l’Éducation, 2006) indique que la socialisation en milieu scolaire s’effectue selon deux dimensions générales : la socialisation spontanée (du simple fait que les élèves se trouvent en présence de nombreux autres jeunes de tous âges et de tous horizons) et l’intervention systématique et intentionnelle de l’équipe-école. Ainsi, le simple fait de placer les élèves dans une école donne lieu à une première forme de socialisation des enfants. Au contact de ce milieu et des autres enfants, sans même l’apport des interventions de l’équipe-école, les enfants commencent à être socialisés. C’est ensuite que les interventions de l’équipe-école viennent orienter cette socialisation déjà entamée naturellement. Ces interventions sont dites « systémiques », car elles sont influencées par la configuration physique du milieu et par sa structure organisationnelle. Elles sont intentionnelles puisqu’elles sont menées par des personnes ayant l’intention de modifier le comportement des enfants dont elles ont la charge. Le ministère de l’Éducation souhaite ainsi apprendre aux écoliers les habiletés nécessaires au vivre-ensemble, et ce, en conformité avec plusieurs valeurs. Le programme précise aussi que, même si certaines disciplines se prêtent plus à l’apprentissage des compétences sociales, il appartient aux enseignants de toutes les disciplines d’intégrer dans leur pratique des activités pédagogiques qui font cheminer les élèves en ce qui a trait à la socialisation.

2.4.2 Comparaison des habiletés sociales présentées  dans chaque programme

            Le tableau 2 présente les habiletés sociales que les deux programmes visent à développer et qui paraissent similaires. À titre d’exemple, le Sens du partage évoqué dans le PFÉQ est proche de l’habileté Prend conscience des besoins et des idées des autres par la discussion et le partage présentée dans le PAO, sans toutefois être exactement semblable. Une interprétation du sens de l’habileté et de sa portée a parfois été effectuée avant de mettre en correspondance une habileté avec une autre. Par exemple, rien dans le PAO n’était vraiment semblable à l’habileté Reconnaître son appartenance à une collectivité du PFÉQ. Néanmoins, il apparaissait que le fait de Parler d’événements ou raconter des histoires qui reflètent leur propre héritage et contexte culturel ou celui des autres constituait une partie de l’appartenance à une collectivité, de même que le fait d’Avoir besoin de vivre des interactions multiples avec des adultes et des enfants. Prises ensemble, ces deux habiletés du PAO constituent en effet une part importante de celle du PFÉQ précédemment mentionnée.

 

Tableau 2 : Correspondance des compétences sociales du PFÉQ et du PAO

Compétences du PFÉQ Compétences correspondantes du PAO
Sens du partage Prend conscience des besoins et des idées des autres par la discussion et le partage
Reconnaître les besoins et les intérêts de l’autre Développer une empathie pour les autres
Présence aux valeurs d’autrui (structurer son identité)

et

Ouverture constructive au pluralisme et à la non-violence

et

Accueillir l’autre avec ses caractéristiques

Démontrer du respect et de la considération pour les différences individuelles et les différentes opinions
Juger de la qualité et de la pertinence de ses choix d’action (structurer son identité) Distinguer entre les comportements acceptables et inacceptables
Approfondissement de ses valeurs de référence (structurer son identité) Reconnaît et décrit ses intérêts et ses goûts

et

Raconte des expériences personnelles et reconnaît qu’elles lui sont propres

Manifester de plus en plus d’autonomie et d’indépendance (structurer son identité) Prend conscience de l’effet de son comportement et en accepte les conséquences
Reconnaître son appartenance à une collectivité (structurer son identité) Parler d’événements ou raconter des histoires qui reflètent leur propre héritage et contexte culturel ou celui des autres

et

A besoin de vivre des interactions multiples avec des adultes et avec des enfants

Faire preuve de sens éthique Distinguer entre les comportements acceptables et inacceptables*
Manifester une ouverture à la diversité culturelle et ethnique (structurer son identité) Accepte les différences individuelles et démontre du respect pour la diversité
Entretenir des relations interpersonnelles harmonieuses Démontre de la considération pour les autres et respecte les règles de la vie en groupe

et

A besoin de vivre des interactions multiples avec des adultes et avec des enfants

et

Utilise des mots de courtoisie avec ses pairs et les adultes

Apprendre la discussion en groupe Démontrer l’habileté d’attendre son tour et de procéder à tour de rôle durant les discussions et les activités
Affirmation de soi dans le respect de l’autre Reconnaît et utilise des moyens socialement acceptables pour exprimer ses idées, ses sentiments ou ses émotions

et

Exprime sa fierté face à ses réalisations

Présence sensible à l’autre Développer une empathie pour les autres*

et

Reconnaître et répondre aux sentiments des autres

* Compétences apparaissant deux fois parce qu’elles correspondent à plusieurs compétences sociales nommées dans le PFÉQ.

Certaines habiletés sont toutefois uniques à l’un ou l’autre des deux programmes. Le tableau 3 les présente selon le programme auquel elles appartiennent. Aucune correspondance n’a été trouvée entre celles-ci ou avec les autres compétences inscrites au tableau 2. Du côté du PFÉQ, les habiletés qui ne sont pas pairées font beaucoup appel à l’organisation du travail ou ont une connotation de travail scolaire, de milieu scolaire. Aucune des compétences sociales du PFÉQ ayant une relation avec le milieu scolaire n’a trouvé d’équivalent dans le PAO. Ce constat permet de noter que l’Ontario n’a pas jugé bon d’inclure cette dimension dans son projet d’éducation pour ce qui concerne la socialisation des enfants de la maternelle. À l’inverse, les habiletés restées solitaires du côté du PAO font référence à trois dimensions qui ne semblent pas prises en compte au Québec, à savoir les amis, les messages positifs et la résolution de problèmes (sociaux, relationnels). Comme l’Ontario assume sa centration sur les besoins développementaux de l’enfant, elle fait référence officiellement à ces trois aspects essentiels dans le développement optimal d’un enfant. De même, le Québec assume son orientation sur le monde économique et le marché du travail en alignant plusieurs objectifs sociaux sur ces enjeux, et en socialisant les enfants très tôt par rapport au travail scolaire et, par extension, au marché du travail. Le travail scolaire et le marché du travail requièrent de la coopération et un sens de l’organisation qui ne sont pas étrangers à l’accomplissement de tâches professionnelles de qualité sur le marché du travail.

Tableau 3 : Habiletés ne trouvant pas de correspondance entre les deux programmes (PFÉQ et PAO)

PFÉQ PAO
Planifier, concerter et réaliser une action ou un travail en coopération avec d’autres Démontrer une conscience des façons de se faire et de conserver ses amis
Sens de l’organisation Se comporter et parler avec les pairs et les adultes en exprimant et en acceptant des messages positifs
Reconnaissance de l’apport de chacun (travail d’école) Utiliser des stratégies constructives de résolution de problèmes
Développer son identité personnelle  
Percevoir l’influence du regard des autres sur ses réactions (structurer son identité)  
Accomplir sa tâche selon les règles établies en groupe  
Identifier les éléments qui ont facilité ou entravé la coopération  
Participer aux activités de la classe et de l’école de façon active et dans un esprit de collaboration  

2.4.3 Constats sur les résultats précédents

            La fonction de socialisation de l’école au Québec est ramenée à deux compétences transversales : Structurer son identité et Coopérer. La description de celles-ci, de même que la vision du ministère de l’Éducation en ce qui concerne la socialisation, mentionne souvent l’ouverture aux autres dans un esprit de respect des différences et du multiculturalisme. Ces mentions rappellent le dessein final de l’école, qui cherche à former de jeunes citoyens capables d’interagir de façon adéquate en milieu de travail, mais aussi dans la société québécoise en général; à cet égard, l’immigration massive fait en sorte que les enfants doivent être exposés aux membres des autres cultures dont ils seront les voisins plus tard. Cette interaction doit s’opérer dans le respect, et l’école est un lieu privilégié pour y arriver. Toutefois, malgré que plusieurs comportements visés par ces compétences s’apparentent à une socialisation bien réussie, les critères d’évaluation proposés par le programme semblent les circonscrire dans le contexte du travail scolaire.

En Ontario, le rôle de socialisation de l’école est beaucoup plus précis. Le programme ontarien explique en détails les approches à privilégier et les comportements à attendre. Il indique entre autres que l’enfant apprend progressivement à sortir de sa perception égocentrique du monde et que la capacité de travailler et d’apprendre avec les autres est essentielle. Les concepts d’égalité, d’équité, de tolérance et de justice envers les groupes minoritaires, les personnes des deux sexes et les personnes avec des besoins spéciaux commencent également à émerger. Le rôle de la classe de maternelle est de fournir un contexte dans lequel le développement de ces habiletés et de ces concepts peut s’opérer.

L’orientation des habiletés dans le PAO, contrairement à celle du programme québécois, est plus axée sur des tâches développementales et sur les marqueurs déterminants de la compétence sociale, comme se faire des amis et être capable de résoudre des problèmes de nature sociale. Il n’y a pas non plus d’allusion au travail scolaire dans les différentes habiletés; au Québec, à l’opposé, on trouve des comportements tels que Planifier et réaliser un travail avec les autres ou Participer aux activités de l’école ou de la classe dans un esprit de collaboration et de façon active.

2.5 Le jeu

Le jeu occupe une place importante dans la pédagogie des écoles ontariennes et québécoises. C’est par lui que se fait une grande partie de la socialisation. En effet, il offre un milieu naturel pour les apprentissages de l’enfant. Néanmoins, même si elles sont moins fréquentes, les sorties à l’épicerie ou au parc par exemple constituent aussi des situations d’apprentissage intéressantes pour les enfants (ce type de sorties est d’ailleurs mentionné explicitement dans le PAO). Le PAO propose également des attentes globales et des attentes spécifiques quant au développement social des enfants. Les attentes globales sont des habiletés générales qui rassemblent plusieurs habiletés spécifiques. Elles sont au nombre de deux pour le développement social et personnel : les enfants sont en interaction avec les autres et apportent leur contribution à la vie de la classe. Elles constituent les objectifs développementaux à atteindre au terme des deux années de l’école maternelle pour le développement personnel et social.

2.6.1 Évaluation des compétences sociales à l’école : le Québec

            Les outils pédagogiques pour favoriser la socialisation adéquate et son évaluation sont peu présents dans le programme du Québec. En fait, celui-ci présente quatre critères d’évaluation pour rendre compte de la compétence Coopérer et cinq pour Structurer son identité (voir tableau 4). Chaque critère est évalué selon trois degrés de maîtrise : 1, 2 ou 3. Il n’y a toutefois pas de critères de cotation pour déterminer si un enfant reçoit un score ou un autre. Faire ce travail peut représenter un défi pour certains enseignants. Par exemple, il se peut qu’un enseignant de maternelle rencontre des difficultés pour évaluer un de ses élèves quant aux critères Identifier des moyens à mettre en oeuvre pour son développement personnel ou pour Approfondissement de ses valeurs de référence. De plus, l’opérationnalisation de certains critères d’évaluation risque d’être ardue dans un contexte scolaire.

Tableau 4 : Critères d’évaluation du PFÉQ pour les compétences transversales Coopérer et Structurer son identité

Coopérer Structurer son identité
•   Reconnaissance des besoins des autres •   Curiosité et ouverture à l’égard de son environnement
•   Attitudes et comportements adaptés •   Approfondissement de ses valeurs de référence
•   Engagement dans la réalisation d’un travail de groupe •   Présence aux valeurs d’autrui
•   Contribution à l’amélioration des modalités d’un travail de groupe •   Effort de compréhension et d’appréciation des créations et des réalisations humaines
  •   Identification des moyens à mettre en oeuvre pour son développement personnel

La notion de « compétence » telle que définie précédemment, évoque l’action (agir). Elle sous-entend que des connaissances seules ne peuvent être l’unique témoin d’une compétence acquise. Comme l’indique la définition, il s’agit d’un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources. L’enfant doit donc pouvoir reconnaître les caractéristiques inhérentes à la situation sociale dans laquelle il se trouve afin de recourir aux ressources appropriées. Finalement, son utilisation efficace de ces ressources se concrétise par l’émission d’un comportement socialement adapté à la situation. Il est difficile d’évaluer les processus internes de l’enfant et ses stratégies pour faire appel aux bonnes ressources et bien identifier les caractéristiques de la situation. L’évaluation des compétences Coopérer et Structurer son identité sera alors plutôt basée sur l’observation des comportements exprimés par les enfants, et plus particulièrement ceux qui le sont en contexte de classe.

2.6.2 Évaluation des compétences sociales à l’école : l’Ontario

            Le programme de l’Ontario propose quant à lui des exemples plus étayés des comportements à observer. Pour chaque attente évoquée dans le curriculum, plusieurs contenus d’apprentissage sont mentionnés. Ensuite, trois dimensions d’évaluation sont proposées pour chacun des contenus : parole, action et représentation. De plus, à chaque dimension est associée une catégorie de réponse à privilégier par l’équipe-école (figure 1). Bien sûr, les comportements donnés en exemple n’ont pas à être tous manifestés par chaque enfant. Ce sont des points de repère, et évidemment, d’autres comportements peuvent aussi témoigner d’un apprentissage. La même logique vaut pour les catégories de réponses que l’équipe-école doit donner. Les exemples donnés ne sont pas exhaustifs. Le tableau 5 détaille les contenus d’apprentissage et présente des exemples de comportements qui les caractérisent.

Sans titre

 

Tableau 5. Résumé des contenus d’apprentissage et des attentes pour le développement social

Attente 1 : Faire preuve d’autonomie et de confiance en soi dans son comportement

1.1 S’adapte à un nouveau milieu, à de nouvelles situations, à de nouvelles personnes ou à de nouveaux apprentissages Parole

•   Regarde ce que jai fait

•   Je peux le faire seul

 

Action

•   Ayant appris à monter la fermeture à glissière de son manteau, l’enfant offre d’aider ses camarades à monter la leur.

•   L’enfant range sa boîte à lunch en arrivant en classe.

 

Représentation

•   Ayant découvert le moyen de déplacer de l’eau d’un contenant à un autre en utilisant un tube, un petit groupe d’enfants est invité à renouveler l’expérience devant la classe en montrant comment ils s’y sont pris et ce qu’ils avaient prédit.

1.2 Prend soin de ses effets personnels et du matériel mis à sa disposition
1.3 S’habille, se déshabille et se chausse sans aide
1.4 Suit les routines établies
1.5 Trouve des stratégies ou des solutions appropriées pour répondre à ses besoins
1.6 Prend conscience de l’effet de son comportement et en accepte les conséquences
1.7 Choisit et varie ses activités de façon autonome
1.8 Exprime sa fierté face à ses réalisations
1.9 Persévère à une tâche et la termine dans le délai fixé

Attente 2 : Reconnaître ses caractéristiques et ses préférences

2.1 Donne son prénom, son nom et son âge Parole

•   Je m’appelle…

 

Action

•   Un enfant apporte à l’école un album de photos de famille prises au cours d’une visite au zoo

 

Représentation

•   Un enfant utilise des petits blocs pour représenter ses amis et lui jouant au soccer

2.2 Reconnaît les traits physiques qui lui sont propres.
2.3 Reconnaît et décrit ses intérêts et ses goûts
2.4 Raconte des expériences personnelles et reconnaît qu’elles lui sont propres

Attente 3 : Manifester l’acquisition d’habiletés sociales dans ses relations avec les autres

3.1 Utilise des mots de courtoisie avec ses pairs et les adultes Parole

•   Est-ce que je peux jouer avec toi? Je serai la…

 

Action

•   Un enfant s’est vu attribuer un rôle qu’il ne souhaite pas jouer et proteste. Un autre enfant suggère d’inverser le rôle avec le sien pour cette fois. L’enfant accepte.

 

Représentation

•   Avec l’aide de l’équipe pédagogique, les enfants créent une affiche illustrant quelques situations où sont mis en vedette quelques messages de courtoisie.

3.2 Reconnaît et utilise des moyens socialement acceptables pour exprimer ses idées, ses sentiments ou ses émotions
3.3 Collabore avec les autres en diverses circonstances
3.4 Démontre de la considération pour les autres et respecte les règles de la vie en groupe
3.5 Règle ses conflits avec ses pairs de façon appropriée
3.6 Accepte les différences individuelles et démontre du respect pour la diversité

Le PAO propose des pistes pour concrétiser l’évaluation des habiletés sociales qu’il vise à développer. Plusieurs exemples de comportements y figurent. Même si le programme de l’Ontario ne propose pas de méthode d’évaluation avec des scores comme le PFÉQ, les comportements à observer sont plus clairs et plus nombreux. Non seulement il indique une opérationnalisation claire des comportements à évaluer pour la socialisation, mais il propose plusieurs modes de manifestation (parole, action, représentation) et de réactions possibles à ceux-ci pour les développer d’avantage. L’enseignant ontarien semble mieux outillé que l’enseignant québécois pour évaluer les habiletés sociales de ses élèves, du moins en ce qui concerne le contenu du programme.

 

  1. Discussion

Tout d’abord, au Québec, le programme de formation se centre plutôt sur les compétences à développer dans un but de réussite scolaire. Les compétences sociales qu’il met de l’avant sont axées sur la planification de travaux d’équipe, sur l’interaction dans la classe avec les pairs. Le programme se fonde sur la notion de compétences transversales, compétences qui sont d’un ordre très général et qui transcendent les disciplines. Elles n’ont pas de domaine propre d’application.

Le PAO, quant à lui, rappelle sans cesse l’importance de la socialisation dans le développement global de l’enfant, ainsi que du recours à la participation des parents pour apprécier l’évolution des jeunes en ce qui a trait à la socialisation. Les habiletés visées dans le programme ne sont pas centrées sur la réussite de travaux scolaires ni formulées en ce sens. Un rappel y est effectué à plusieurs occasions à propos du fait que ces habiletés sont importantes non seulement pour la réussite scolaire, mais aussi pour que l’enfant soit adapté socialement et puisse fonctionner dans un pays comme le Canada. Cette approche d’un point de vue plus développemental sous-entend qu’il y a une visée de formation de l’école pour des contextes autres que l’école et le milieu de travail.

Dans un autre ordre d’idées, le programme de formation québécois n’est pas d’une grande aide pour les enseignants qui veulent évaluer la socialisation au niveau préscolaire. Les quelques critères présentés et le peu de détails sur les observations à effectuer et sur la cotation peuvent laisser les enseignants sur leur faim. Le programme de l’Ontario, quant à lui, offre des comportements à observer, des réponses et des approches à privilégier de même que des modalités d’évaluation pertinentes.

Malgré ces constats, il n’en demeure pas moins que la compétence sociale est difficile à évaluer en contexte scolaire. Déjà, la littérature scientifique ne s’accorde pas sur une définition commune à lui attribuer (Rose-Krasnor, 1997). De plus, il est difficile d’évaluer une compétence sur la seule base des comportements observés (Perrenoud, 2004), car une compétence fait appel à des processus cognitifs de diverses natures dont il n’est pas aisé d’apprécier la qualité. Il faut questionner l’élève, le placer dans une variété de contextes pertinents à la compétence visée et ne pas tenir compte uniquement des réponses qu’il donne; une bonne réponse (ou une réponse jugée adaptée) n’est pas une garantie d’une compétence acquise, et une mauvaise réponse ne témoigne pas d’une compétence insuffisante (Perrenoud, 2004). Dans une telle logique, il devient risqué de vouloir évaluer des compétences transversales, et en l’occurrence, les compétences sociales des enfants.

Évaluer une compétence (transversale ou non) demande une part de jugement professionnel de la part de l’enseignant (Perrenoud, 2004). Il est possible que le gouvernement du Québec ait fait le choix de ne pas inclure beaucoup de critères d’évaluation observables dans l’espoir que les enseignants fassent appel à ce jugement. Pour mener à bien une évaluation basée partiellement sur un jugement professionnel, il faut être en mesure de documenter son évaluation et de l’expliquer. Les recherches effectuées pour cet article ont montré qu’il n’est pas évident de trouver des procédés d’évaluation clairs pour les compétences transversales. Un tel vide laisse sans doute bien des enseignants démunis face à l’évaluation des compétences Structurer son identité et Coopérer.

A contrario, l’Ontario propose des lignes directrices claires à ses enseignants. C’est sans doute plus facile de présenter une évaluation considérée comme objective avec des directives de cet ordre. Toutefois, une évaluation ne peut être objective sans enlever un peu d’espace au jugement professionnel. Une évaluation si objective met nécessairement certaines habiletés à l’avant-plan au détriment d’autres habiletés. Il n’est pas certain que les choix de l’Ontario représentent un bouquet complet d’éléments à évaluer pour garantir une compétence sociale complète à la fin du programme de formation. D’ailleurs, l’Ontario aussi mise sur une part de jugement professionnel de ses enseignants pour l’évaluation de la socialisation des enfants de maternelle, bien que dans une moindre mesure que le Québec.

L’évaluation d’une compétence ne peut se faire que dans plusieurs contextes. Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur indique qu’une compétence marquée doit permettre au jeune de faire appel à des ressources dans diverses situations et de façon appropriée. Bien que l’école soit un contexte social important dans la vie d’un écolier, il n’est certainement pas le seul. De plus, le contexte spécifique de l’école ne saurait être ramené au seul rôle d’élève. Il est vrai que le rôle d’élève y occupe une place importante et que les compétences sociales attachées à ce rôle sont essentielles pour la réussite de l’élève à l’école, mais le jeune est aussi un ami pour certains de ses pairs, un président de classe ou un représentant étudiant, par exemple, chacun de ces rôles faisant appel à des compétences sociales variées.

L’école est certainement capable d’observer les comportements des élèves quant à leur compétence sociale scolaire dans leur rôle d’élève. Les enfants ont toutefois une vie à l’extérieur de l’école et leurs rôles diffèrent beaucoup, allant d’ami à fils ou fille en passant par des rôles dans leurs divers loisirs. Il n’est pas possible pour l’école d’aller évaluer la compétence sociale à l’extérieur de ses murs, et, donc, de rendre compte de la compétence sociale globale d’un enfant. Elle doit se contenter de les évaluer dans les contextes liés à leur rôle d’élève et en son sein.

Enfin, il est peut-être sage de se demander s’il appartient à l’école d’évaluer le processus de socialisation des élèves. L’école a clairement un rôle de socialisation auprès des jeunes, mais est-elle bien placée pour évaluer une compétence aussi complexe? Les contraintes qu’on lui impose en ce qui a trait au format des évaluations, à sa structure organisationnelle[5] et à la façon de rendre compte de ses évaluations ne la placent probablement pas dans la meilleure position pour cette mission. Au final, elle n’est qu’un des contextes sociaux dans lesquels l’enfant évolue, même s’il y passe beaucoup de temps, et selon qu’il habite une province ou une autre, la socialisation qui s’effectuera à l’école différera. Est-il souhaitable pour un pays que ses jeunes ne soient pas socialisés de la même façon à l’école partout sur son territoire?

 

[1] Disciplines du programme de formation de l’école québécoise : français langue d’enseignement, anglais langue seconde, mathématique, science et technologie, géographie, histoire et éducation à la citoyenneté, art dramatique, arts plastiques, danse, musique, éducation physique et à la santé, enseignement moral, enseignement moral et religieux catholique.

[2] Domaines généraux de formation : Médias, santé et bien-être, orientation et entrepreneuriat, vivre-ensemble et citoyenneté.

[3] Domaines d’apprentissage : domaine des langues, domaine de la mathématique, de la science et de la technologie, domaine de l’univers social, domaine des arts, domaine du développement personnel.

[4] 1) Le développement de la petite enfance établit les fondements de l’apprentissage, du comportement et de la santé tout au long de la vie; 2) Les partenariats avec les familles et les communautés renforcent la capacité des milieux de la petite enfance de répondre aux besoins des enfants; 3) Le respect de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion est un préalable à la mise à l’honneur des droits des enfants et à l’apprentissage et au développement optimaux de ceux-ci; 4) Un curriculum planifié favorise l’apprentissage des enfants; 5) Le jeu est un moyen d’apprentissage chez les enfants qui met à profit leur curiosité et leur exubérance naturelles; 6) Il est essentiel que les professionnelles et les professionnels œuvrant auprès de la petite enfance aient un solide bagage de connaissances et soient attentifs aux besoins des enfants.

[5] L’école doit accueillir beaucoup d’élèves et place plusieurs élèves avec un adulte qu’ils ne choisissent pas. Ils sont la plupart du temps assis en classe et doivent interagir avec un enseignant, être attentif, réfléchir, etc. Les moments de pause, de récréation sont prédéterminés. L’école leur impose un groupe pour un an, de même qu’un enseignant, etc.

 

Références

Denham, S.A., Blair, K.A., DeMulder, E., Levitas, J., Sawyer, K., Auerbach-Major, S., Queenan, P. (2003). Preschool Emotional Competence: Pathway to Social Competence. Child Development, Society for Research in Child Development, Inc., 74, 1, 238-256.

Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2010). Programme dapprentissage à temps plein de la maternelle et du jardin denfants. Imprimeur de la Reine pour l’Ontario.

Ministère de l’Éducation du Québec. (2006). Programme de formation de l’école québécoise éducation préscolaire et enseignement primaire. Ministère de l’Éducation.

Perrenoud, P. (2004). Évaluer des compétences. L’Éducateur, Université de Genève, numéro spécial, mars, 8-11.

Rose-Krasnor, L. (1997). The Nature of Social Competence. Social Development, Blackwell Publishers Ltd., Oxford. 6, 1.

L’intervention auprès de réfugiés syriens

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Photo Agence France-Presse

       Le conflit syrien a amené le plus grand flux migratoire des dernières années (Hassan et al., 2016). Présentement, 13,5 millions de Syriens ont besoin d’assistance humanitaire, 6,6 millions ont quitté leur foyer pour se reloger ailleurs en Syrie (UNOCHA, 2016) et 4,8 millions ont fui leur pays, la plupart dans les pays limitrophes comme la Turquie, le Liban et la Jordanie (UNHCR, 2016). Le Canada a pour sa part accepté 26 506 réfugiés à ce jour (Gouvernement du Canada, 2016) dont la majorité sont âgés de moins de 25 ans.

Les quatre groupes armés qui s’affrontent en Syrie (Assad, Daesh, Kurdes, armée libre) (G. Hassan, symposium, 10 mars 2016) ont causé un million de blessés et 250 000 morts, une diminution de 20 ans de l’espérance de vie, un accès compromis à l’eau et aux installations sanitaires ainsi qu’une énorme augmentation de la pauvreté et du taux de violence (UNOCHA, 2016). Chez les réfugiés syriens, les troubles de santé mentale retrouvés sont surtout « des troubles émotionnels, tels que : la dépression, le deuil pathologique, le trouble de stress post-traumatique et plusieurs formes de troubles anxieux.» (61-63, cité dans Hassan et al., 2016, p.13). Par exemple, la guerre amène divers types de deuils, comme ceux de la patrie, des repères, de leurs proches, de leurs biens matériels et de leur vie passée. De plus, le contexte de déplacements et de disparitions rendent ces deuils plus complexes chez les Syriens qui ne peuvent plus effectuer leurs rituels funéraires normaux. Les informations peuvent également être incertaines ou trompeuses concernant les personnes disparues (G. Papazian-Zohrabian, symposium, 10 mars 2016).

Ainsi, les intervenants psychosociaux doivent prendre en compte tous ces aspects traumatiques spécifiques au contexte de guerre lors de la prise en charge de réfugiés. Il est conseillé aux intervenants de tout d’abord stabiliser la situation socioéconomique des réfugiés, puis de renforcer leur résilience plutôt que de leur diagnostiquer immédiatement un trouble psychologique. Afin de travailler auprès d’eux d’une façon adéquate, un rapport fut commandé par l’UNHCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés) auprès d’experts travaillant dans le milieu et mené par Ghayda Hassan (professeure du département de psychologie, UQAM) pour bien saisir leurs besoins psychosociaux en prenant compte de leur réalité culturelle. Voici un résumé des différents points saillants du rapport pouvant intéresser toutes les personnes qui auront à intervenir avec cette population. De plus, plusieurs composantes sur rapport s’appliquent également aux populations réfugiées autres que Syriennes.

D’abord, une des caractéristiques spécifiques de la population syrienne est sa grande diversité, autant dans sa composition ethnique que dans les langues parlées et les religions pratiquées (3, cité dans Hassan et al., 2016). La majorité de la population est sunnite et parle arabe, mais il ne faut pas oublier les autres nombreuses communautés ethniques et religieuses (3, 18-20 cité dans Hassan et al, 2016). De ce fait, le terme syrien peut être réducteur et ne pas correspondre à leur identité. Par exemple, 9-10% de la population est kurde, mais puisque leur langue (kurmandji) fut longtemps réprimée par l’État, certains ne la pratiquent pas (5-7 cité dans Hassan et al., 2016). De plus, avant la guerre, le pays accueillait un nombre non négligeable de réfugiés en provenance de la Palestine et de l’Irak, ce qui ajoute à la diversité ethnique de cette région (21, cité dans Hassan et al., 2016). Ainsi, les identités sont multiples et les rapports sociaux entre les groupes, complexes. En comprenant mieux la vision des Syriens, tout en gardant en tête les spécificités ethnoreligieuses, il est alors possible d’adapter ses interventions afin de répondre le plus possible aux besoins individuels.

Les éléments ethniques, religieux, historiques et sociaux influencent la manière dont l’individu comprend le monde, le sens qu’il donne à la maladie et à la souffrance, les méthodes d’adaptation et les comportements de recherche d’aide (154, cité dans Hassan et al., 2016). Les assises culturelles sur lesquelles se fonde le concept de la personne et les théories explicatives de la souffrance doivent donc être prises en considération dans la planification des services de soins. Par exemple, dans les traditions musulmanes Syriennes, la mort est souvent considérée comme une étape entre deux vies (155, cité dans Hassan et al., 2016), ou les épreuves tels que les conflits comme une occasion de croître spirituellement (155, 157, 158, cité dans Hassan et al., 2016). Dans ce contexte, les diagnostics psychiatriques peuvent être perçus comme étant stigmatisants (Hassan et al., 2016). D’autres peuvent attribuer certaines souffrances à des causes surnaturelle qui ne doivent pas être méprises pour des signes de psychose, mais relèvent plutôt d’une explication culturellement adaptée (174, cité dans Hassan et al., 2016).

Les individus expliquent leurs souffrance par des idiomes de détresse culturellement inscrits, soit « des modes d’expression de la détresse partagés par les membres d’une même culture ou d’une même communauté» (Hassan et al., 2016, p.24). Dans le contexte syrien, le corps et l’esprit ne sont pas considérés comme des entités séparées et les patients vont donc ressentir, vivre et exprimer leur souffrance à la fois physiquement et psychiquement et ne doivent pas être considéré comme vivant des troubles de somatisation. Des métaphores impliquant le corps seront donc souvent utilisées telles que l’expression « chute du coeur » pour exprimer une grande peur.

Encore une fois, les explications et les expressions des troubles peuvent être multiples et coexister au sein de la population syrienne, mais aussi chez l’individu. Les visions de la maladie dépendent des rapports au monde et à l’individu, ce qui varie selon les ethnies et les religions en Syrie. Par ailleurs, même si des éléments culturels sont susceptibles d’influencer les croyances de l’ensemble des Syriens, chaque individu vient avec un bagage propre à ses expériences personnelles. L’intervention doit donc prendre en compte leur singularité.  (Hassan et al., 2016)

« La compréhension des modèles explicatifs et des idiomes de détresse locaux facilite la communication entre les intervenants et leurs clients. » (Hassan et al, 2016 p.24) En effet, il ne faut pas interpréter ces particularités comme un refus de dialogue ou un déni de la détresse psychologique (49,50, cité dans Hassan et al., 2016). Dans tous les cas, il est préférable de demander au patient ce qu’il veut dire par une expression X dans un contexte Y plutôt que d’interpréter ses paroles avec les croyances et les modèles plus «occidentaux». De plus, une ouverture à l’autre et une compréhension de son vécu psychologique permettent d’améliorer la relation thérapeutique en plus de mettre en place des traitements plus adéquats (Hassan et al., 2016). Lorsque la maladie est expliquée par des causes religieuses ou surnaturelles, elle est davantage perçue comme étant une épreuve à surmonter et le recours à des soins de santé serait un raccourci à leur guérison. Dans ce cas, il peut être utile d’avoir une collaboration entre les intervenants, guérisseurs et chefs spirituels afin d’aider adéquatement la personne (179, 180, cité dans Hassan et al., 2016).

Il est important de ne pas pathologiser ce que vivent les réfugiés syriens et de prendre en considération le contexte de violence qui les entoure, les déplacements continuels et les circonstances difficiles. En se basant sur les catégories du DSM, beaucoup de réfugiés syriens peuvent sembler manifester des symptômes de TDAH, ou de dépression majeure, mais ces diagnostics relèvent peut-être tout simplement d’une mauvaise compréhension des symptômes de l’ESPT, surtout chez les enfants (G. Papazian-Zohrabian, symposium, 10 mars 2016). Plutôt que d’étiqueter les réfugiés avec des diagnostics, il est préférable d’avoir une gestion individuelle et en cas par cas des symptômes et des dysfonctions (Rousseau et Hassan, 2015).

Le travail effectué auprès des réfugiés syriens consiste à poser des actions à court et à long terme. Ainsi, à leur arrivée, il s’avère sage d’améliorer la situation socioéconomique du réfugié. En effet, l’amélioration des conditions de vie est un facteur de protection pour la santé mentale. De plus, en assurant un soutien externe fourni par les pairs ou la famille, il devient alors plus facile pour les réfugiés de s’adapter aux conséquences du conflit (57-59, cité dans Hassan et al, 2016). Il est donc conseillé d’agir sur l’unité familiale et la reconstitution de réseaux de soutien. Dans un contexte de guerre, tout le réseau social est souvent touché par les événements. Pourtant, les liens familiaux permettent aux réfugiés de traverser la situation plus facilement en tant que facteur de protection. Les adultes particulièrement peuvent « agir comme tampon » auprès de leurs enfants (Hassan et al., 2016). Cependant, lorsque ceux-ci ne peuvent gérer leur propre détresse, les enfants et les parents doivent trouver un support extérieur (37, cité dans Hassan et al, 2016). À court terme donc, il s’agit de « cibler le soutien initial et la gestion de crise » (114, cité dans Hassan et al, 2016, p.36). À plus long terme, il importe de travailler sur la résilience et les capacités d’adaptation de cette population. En contexte de guerre, et lors de la vie dans les camps, les réfugiés ont le sentiment d’avoir peu de contrôle sur leur vie, ce qui peut favoriser l’utilisation de mécanismes mal adaptés comme le fait de surprotéger ses enfants (88, 37, 91, cité dans Hassan et al, 2016). Certains mécanismes d’adaptation semblent plus efficaces selon le sexe (56, 87, 88, cité dans Hassan et al, 2016) ou l’âge (37, 56, cité dans Hassan et al, 2016) chez les réfugiés, mais dans l’ensemble, il importe de renforcer les situations d’utilisation de mécanismes actifs adaptés, comme sortir, prier, faire des activités collectives, plutôt que passifs ou inadaptés, comme fumer, s’isoler, dormir ou faire utilisation de la violence (88, cité dans Hassan et al, 2016).

En conclusion, lorsque les intervenants entrent en relation avec les réfugiés, ils doivent prendre en considération leur ethnie, leur langue, les idiomes utilisés dans celle-ci, les modèles explicatifs propres aux individus, le vécu spécifique de ces derniers, les mécanismes adaptatifs qu’ils ont et ceux moins adaptatifs à travailler et, finalement, l’aide à long terme autant que celle à court terme.

Cet article met l’accent sur les aspects psychologiques et culturels de la situation des réfugiés avant qu’ils arrivent en terre d’accueil. Cependant,  les réfugiés syriens seront confrontés à plusieurs autres situations en arrivant au Canada qui amèneront leur lot de détresse psychologique. En effet, ils peuvent avoir des problèmes d’intégration au sein des communautés qui ne partagent pas nécessairement leur culture. Ils seront confrontés à l’isolement, au mal du pays, à la discrimination, au racisme, à la déqualification professionnelle et à l’insécurité envers le futur (Hachimi Alaoui, 2006). D’ailleurs, pour un réfugié, cela prend entre 7 et 10 ans pour atteindre une stabilité socio-économique qui permette de subvenir aux besoins de tous les membres de la famille (G. Hassan, symposium, 10 mars 2016). Il y a également une difficulté supplémentaire, car très peu de réfugiés syriens parlent le français ou l’anglais, et doivent apprendre le français afin de bien fonctionner au Québec (Martin et Ouellet, 2016). Or, les classes sont déjà remplies à leur capacité maximale et ceux-ci doivent patienter et freiner leur envie de retourner immédiatement sur le marché du travail (Fimbry, Harrison-Julien et Josselin, 2016). La situation de l’accueil des réfugiés au Québec diffère d’autres provinces canadiennes dans le sens où la plupart des réfugiés sont financés par les familles et non par le gouvernement. Ainsi, l’argent qui leur est donné à leur arrivée est minime et ne suffit pas à couvrir les coûts (Fimbry, Harrison-Julien et Josselin, 2016).

Toutes ces spécificités illustrent bien pourquoi il est primordial de former les intervenants psychosociaux à une telle réalité. À ce sujet, un outil va être mis en ligne très bientôt afin qu’ils puissent travailler adéquatement auprès des réfugiés syriens (SSPC Webinar: Providing Mental Health Care for Syrian Refugees). Entre temps, vous pouvez visionner des vidéos pour approfondir le sujet.

Par Geneviève Drapeau et Caroline Marcoux, étudiantes au baccalauréat en psychologie, en collaboration avec Ghayda Hassan, Ph.D


        Cet article est basé sur le rapport Culture, Contexte du conflit, Santé mentale et Bien-Être Psychosocial des Syriens écrit par Ghayda Hassan et al. Il est possible de consulter la version française du rapport ici, ainsi que la version anglaise ici. Ce texte ne se veut pas une revue de littérature, puisque le rapport a très bien fait cela, mais bien un résumé des informations importantes. Ainsi, par soucis de concision lors de la lecture et d’équité envers les auteurs originaux, les numéros dans le texte renvoient aux références secondaires cités ci-dessous, toutes tirées du rapport. Elles n’ont pas été consultées en entier par les auteures de ce texte.


Cet article est issu de la rubrique « après le bac » : Il s’agit d’offrir un aperçu des thèmes de recherche menés par les professeurs de différentes section en psychologie à l’UQAM, et de les rendre accessibles en les résumant de façon claire et concise. Elle présente aussi différentes voies possibles après le baccalauréat en psychologie afin d’éclairer les étudiants sur les parcours disponibles.

Références

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Hachimi Alaoui, M. (2006). «Carrière brisée, carrière de l’immigrant : le cas des algériens installés à Montréal.» Diversité urbaine, 6(1).

Hassan, G, Kirmayer, LJ, MekkiBerrada A., Quosh, C., el Chammay, R., Deville-Stoetzel, J.B., Youssef, A., Jefee-Bahloul, H., Barkeel-Oteo, A., Coutts, A., Song, S. & Ventevogel, P. (2016). Culture, Contexte du conflit, Santé mentale et Bien-Être Psychosocial des Syriens (traduit par Mylène Boivin, Lancelot Legendre-Courville, Anne-Sophie Cardinal) : Canada. Repéré à  http://www.sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/2016/02/UNHCRsyrie-francais-fev2016.pdf

Martin, L. et Ouellet, V. (2016, 4 février). Accueillir en français des réfugiés syriens hors Québec : des attentes irréalistes? Société Radio-Canada. Repéré à http://ici.radio-canada.ca/regions/ontario/2016/02/04/001-francophones-immigration-syriens.shtml

Rousseau, C. et Hassan, G. (2015). Arrivée massive des réfugiés syriens au Québec : Formation destinée aux professionnels. Repéré à http://www.sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/2015/12/Formation-intervenants-syriens_volet1-30dec-R%C3%A9par%C3%A9.pdf

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Le symposium appelé Accueil des réfugiés syriens: situation actuelle et intervention s’est déroulé le 10 mars 2016 au café l’Artère et a été tenu par Garine Papazian-Zohrabian, Janet Cleveland et Ghayda Hassan

Références secondaires

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Vers un traitement préventif de la démence associée à la maladie de Parkinson : la piste du sommeil

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Que ce soit par l’entremise des médias ou à travers la réalité d’un proche, à peu près tout le monde a déjà entendu parler de la maladie de Parkinson, qui évoque pour la plupart d’entre nous l’image d’une personne agitée de tremblements, maîtrisant difficilement ses mouvements. D’autres symptômes courants mais moins connus de cette maladie, pouvant toutefois se révéler encore plus dévastateurs et difficiles à vivre, comprennent entre autres la dépression, l’anxiété, les difficultés du sommeil et les troubles cognitifs. Chez plus de 75 % des personnes atteintes de la maladie de Parkinson (Latreille et al., 2015), le déclin cognitif mènera au développement d’une démence, ce qui s’avère très éprouvant pour le malade tout comme pour son entourage. (Gagnon, 2016) La neuropsychologie participe activement depuis quelques années au traitement actuel de cette maladie en offrant aux patients un soutien complémentaire aux autres soins de santé. Elle contribue également à la recherche sur le sujet en s’efforçant de trouver des facteurs de risque de déclin cognitif détectables plus tôt dans la maladie afin de permettre un diagnostic plus précoce de cette condition difficile et, éventuellement, de prévenir celle-ci au moyen d’une médication neuroprotectrice.

La prise en charge actuelle des personnes atteintes : le rôle du neuropsychologue

Afin d’aider les personnes atteintes de la maladie et leurs proches à mieux comprendre cette condition et à acquérir des outils et des stratégies adaptés pour y faire face, le neuropsychologue, en collaboration avec plusieurs autres professionnels de la santé (médecin, neurologue, ergothérapeute, etc.), agit à plusieurs niveaux. Son rôle principal est d’abord d’évaluer de façon détaillée (c’est-à-dire au moyen de plusieurs tests précis) le profil cognitif des patients afin de cibler leurs forces et leurs faiblesses, dans le but de déceler une éventuelle présence de déficits cognitifs.

Il est également responsable de diagnostiquer de potentiels symptômes de dépression ou d’autres troubles de l’humeur chez la personne et de lui fournir des solutions à cet égard, en la dirigeant par exemple vers des groupes de soutien ou d’autres intervenants du milieu de la santé. De plus, il apporte une aide précieuse à l’entourage du patient en leur présentant des recommandations sur la façon d’agir avec la personne au quotidien, et en leur permettant de mieux connaître et comprendre ses symptômes ainsi que leurs impacts dans la vie courante. Enfin, le neuropsychologue communique régulièrement avec les divers intervenants médicaux pour assurer la précision diagnostique et le suivi optimal de l’évolution du profil cognitif du patient au fil du temps. (Gagnon, 2016)

La recherche de marqueurs précoces de démence dans le sommeil

Par ailleurs, puisque 1% de la population (100 000 personnes au Canada) est actuellement atteinte de cette maladie, principalement des gens âgés entre 55 et 65 ans (Gagnon, 2016), la recherche neuroscientifique dans ce domaine se penche activement depuis quelques années sur l’identification de marqueurs clés pouvant aider à cibler le plus tôt possible les patients à risque de développer une démence. L’intérêt de détecter des marqueurs précoces de démence dans cette population ne concerne pas seulement la planification adéquate de la prise en charge des individus, mais également la possibilité de cibler les personnes qui pourraient bénéficier de l’avènement prochain de nouveaux médicaments neuroprotecteurs (Anang et al., 2014).

Une équipe de chercheurs de laquelle fait partie Jean-François Gagnon, professeur au département de psychologie de l’UQÀM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le déclin cognitif dans le vieillissement pathologique, se penche actuellement sur cette question. Alors que plusieurs études ont déjà identifié des facteurs de risque de démence comme l’âge ou certains problèmes moteurs (Anang et al., 2014), les travaux de l’équipe de Jean-François Gagnon visent plus spécifiquement à investiguer les symptômes non moteurs de la maladie de Parkinson, en s’attardant particulièrement aux perturbations du sommeil, dans le but de trouver des marqueurs prédictifs du développement d’une démence.

 1. Le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP)

Une très grande majorité de personnes atteintes de Parkinson se plaignent de la qualité de leur sommeil. Outre l’insomnie et les inconforts dus aux problèmes moteurs, un problème assez particulier rencontré chez 35 % à 50 % des patients est le trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP). Le TCSP est un trouble qui se manifeste en phase de sommeil paradoxal, phase mieux connue comme étant celle des rêves, où le cortex cérébral est très actif, mais durant laquelle notre système moteur est habituellement paralysé. Chez un individu sain, le cerveau se déconnecte en quelque sorte des stimuli extérieurs pour se centrer sur l’imagerie intérieure particulière aux rêves, et « coupe le contact » entre celle-ci et le système moteur. Mais chez les gens souffrant de Parkinson, des lésions altèrent le fonctionnement des structures du tronc cérébral qui empêchent normalement les motoneurones de commander le mouvement. Le TCSP, pathologie très différente du somnambulisme (qui survient pour sa part durant les phases de sommeil lent), entraîne ainsi la perte de cette atonie caractéristique au sommeil paradoxal, et les individus atteints en viennent à « mimer » leurs rêves, jusqu’à en devenir parfois dangereux pour leur entourage. (Postuma et al., 2012)

Selon plusieurs études transversales récentes, la présence d’un TCSP pourrait constituer un important facteur prédictif du développement d’une démence chez les individus atteints de Parkinson. Lorsqu’il est lié au Parkinson, le TCSP pourrait représenter un certain sous-type de la maladie caractérisé par des symptômes non moteurs plus sévères et prédominants, et un risque de démence plus précoce. Les résultats d’une étude longitudinale menée par l’équipe de Jean-François Gagnon et portant sur 42 sujets atteints de Parkinson sans démence (dont 27 avec diagnostic de TCSP à l’évaluation de départ), confirment cette hypothèse. Quatre ans plus tard, sur les 27 sujets qui présentaient au départ un TCSP (diagnostiqué au moyen d’un polysomnographe), 13 (48 %) avaient développé une démence, comparativement à aucun chez les 15 sujets sans TCSP. Cette étude confirme également certains liens établis antérieurement par l’équipe entre le TCSP et d’autres symptômes cognitifs, notamment une diminution de l’attention, des fonctions exécutives et de certaines capacités mémorielles et visuelles. (Postuma et al., 2012)

2. Les anomalies de l’électroencéphalogramme durant les différents stades du sommeil

L’observation du sommeil a également permis aux chercheurs de l’équipe de Jean-François Gagnon de détecter, grâce à l’électroencéphalographie (EEG), certaines anomalies qui pourraient constituer d’autres marqueurs du développement éventuel d’une démence chez les gens atteints de Parkinson. L’électroencéphalographe, un appareil qui permet d’enregistrer l’activité électrique du cortex cérébral au moyen d’électrodes fixées sur le cuir chevelu du sujet, génère des tracés graphiques des ondes cérébrales représentant l’activité plus ou moins synchronisée de plusieurs milliers de neurones agissant simultanément. Les encéphalogrammes enregistrés au cours d’une nuit, par exemple, permettent de distinguer visuellement les différentes phases de sommeil et les différents rythmes qui leur sont associés selon le type de tracé produit. Des ondes rapides et de faible amplitude seront ainsi associées aux phases d’éveil et de sommeil paradoxal, et des ondes lentes de grande amplitude représenteront l’activité synchronisée des neurones au repos durant le stade 4 du sommeil lent (le plus profond). (Bear, Connors et Paradiso, 2007, p. 617.)

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Photo : Neurosciences. Bear, Connors et Paradiso, 2007

Dans une autre étude longitudinale publiée en 2015, Jean-François Gagnon et ses collègues ont découvert des anomalies des fuseaux du sommeil, qui correspondent à la survenue au cours de la phase 2 du sommeil lent d’oscillations plus rapides momentanées au milieu des ondes un peu plus lentes caractérisant ce stade. L’étude, qui avait notamment évalué au départ les électroencéphalogrammes de 68 sujets atteints de Parkinson et de 47 sujets sains, a révélé des anomalies des fuseaux du sommeil chez les 18 patients qui avaient développé une démence lors de l’évaluation de suivi environ 4 ans et demi plus tard. Ces patients présentaient entre autres des fuseaux de plus faibles densité et amplitude, surtout dans les régions corticales postérieures (pariétale et occipitale), ce qui était également lié chez eux à des capacités visuospatiales diminuées. Comme les oscillations du sommeil lent sont associées au fonctionnement cognitif et à la plasticité cérébrale, des altérations de celles-ci pourraient ainsi signaler l’éventualité du développement d’une démence chez les personnes atteintes de Parkinson. (Latreille et al., 2015)

Enfin, dans des résultats publiés en 2016 portant sur la même cohorte, les chercheurs ont montré que les électroencéphalogrammes en sommeil paradoxal des 18 individus ayant développé une démence présentaient aussi des anomalies, caractérisées par des ralentissements marqués de l’activité électrique, en particulier dans les zones corticales postérieures. Tout comme pour les fuseaux du sommeil au stade 2 du sommeil lent, les ralentissements de l’EEG en sommeil paradoxal étaient corrélés à de faibles aptitudes visuospatiales chez les sujets concernés. De plus, comme le sommeil paradoxal est principalement régulé par le système cholinergique et très peu par d’autres systèmes de neurotransmetteurs, ces résultats s’ajoutent à ceux d’autres études récentes ayant démontré le rôle clé du déficit en acétylcholine dans le déclin cognitif précoce associé à la maladie de Parkinson. (Latreille et al., 2016)

Pour les chercheurs de l’équipe de Jean-François Gagnon, en attendant que des médicaments neuroprotecteurs soient disponibles et en vue de contribuer à la collecte de données supplémentaires à cet effet, cette implication possible du système cholinergique dans le lien entre les anomalies du sommeil paradoxal et le déclin cognitif précoce offre des pistes intéressantes qui devraient être examinées dans de prochaines études longitudinales de plus grande envergure. (Latreille et al., 2016)

Par Marie-Ève Cliche, étudiante au baccalauréat en psychologie

En collaboration avec Jean-François Gagnon, Ph.D., professeur au département de psychologie de l’UQÀM, chercheur au centre d’études avancées en médecine du sommeil et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le déclin cognitif dans le vieillissement pathologique

Cet article est issu de la rubrique « après le bac » : Il s’agit d’offrir un aperçu des thèmes de recherche menés par les professeurs de différentes section en psychologie à l’UQAM, et de les rendre accessibles en les résumant de façon claire et concise. Elle présente aussi différentes voies possibles après le baccalauréat en psychologie afin d’éclairer les étudiants sur les parcours disponibles.

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Bear, M. F., Connors, B. W. et Paradiso, M. A. (2007). Neurosciences : À la découverte du cerveau. Paris : Pradel.

Gagnon, J.-F. (2016). Maladie de Parkinson : Doit-on s’intéresser à la cognition? Repéré à https://aqnp.ca/documentation/degeneratif/maladie-parkinson/

Latreille, V., Carrier, J., Lafortune, M., Postuma, R. B., Bertrand, J.-A., Panisset, M., … Gagnon, J.-F. (2015). Sleep spindles in Parkinson’s disease may predict the development of dementia. Neurobiology of Aging, 36,1083-1090. doi: 10.1016/j.neurobiolaging.2014.09.009

Latreille, V., Carrier, J., Gaudet-Fex, B., Rodrigues-Brazète, J., Panisset, M., Chouinard, S., … Gagnon, J.-F. (2016). Electroencephalographic prodromal markers of dementia across conscious states in Parkinson’s disease. Brain, 1-11. doi:10.1093/brain/aww018

Postuma, R. B., Bertrand, J.-A., Montplaisir, J., Desjardins, C., Vendette, M., Rios Romenets, S., … Gagnon, J.-F. (2012). Rapid eye movement sleep behavior disorder and risk of dementia in Parkinson’s disease: A prospective study. Movement Disorders, 27(6), 720-726. doi: 10.1002/mds.24939

 

Quand notre cerveau grandit de façon atypique

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Plusieurs recherches et études ont été mises à jour sur le développement des enfants. Nous vous conseillons de lire la publication de François Richer, chercheur en neuropsychologie et professeur à l’UQAM. Il nous éclaire sur le développement du cerveau, la normalité de la fragilité et la façon de réagir aux comportements atypiques chez les jeunes.

Pour lire l’article à ce sujet sur Huffington Post, veuillez cliquer ici.

 

Modificaction des stratégies d’adaptation

L’effet de la stratégie d’adaptation « utiliser le soutien social » sur la santé mentale a été reconnu lors de nombreuses recherches (Caron et al., 2004 ; Brugha et al., 2003). Le choix de cette stratégie face à un évènement stressant serait multidimensionnel et dépendrait de nombreux facteurs, dépendamment du contexte et de l’individu. Peut-on améliorer ou augmenter l’utilisation de cette stratégie ou est-elle déterminée par des caractéristiques externes et/ou internes ?

L’emploi du terme « déterminée » dans cette question nous intéresse particulièrement. Peut-on parler de « déterminisme » en matière de stratégie d’adaptation et en particulier concernant le soutien social ? Le déterminisme est une notion philosophique selon laquelle toute action, évènement et phénomène, qu’il soit naturel ou humain, est dû au principe de causalité, soit causé par ses états antérieurs. Ainsi, si l’on suggère que la stratégie d’adaptation du soutien social est « déterminée » par certaines caractéristiques, celle-ci revêtirait un caractère prédictif sur lequel l’homme n’aurait aucun libre arbitre et sa volonté ne pourrait changer quoi que ce soit à cette détermination.

Certes, un déterminisme social est mis en avant par certains chercheurs, supposant qu’un bon soutien social serait déterminé par des facteurs externes tels le contexte socio-économique, les valeurs culturelles… D’autres suggèrent un déterminisme psychique, où l’homme serait prédisposé à faire face de manière identique à n’importe quel évènement. Enfin, un déterminisme génétique est évoqué où certains choix de coping seraient également associés à des variations neuroendocriniennes et immunitaires (Dantzer et al., 2003). Au sein de ces approches, l’homme et la société seraient envisagés tels des entités figés et déresponsabilisés de leurs actions.
Mais peut-on affirmer que l’environnement et l’homme sont immuables ? Quid des capacités du sujet à mobiliser des ressources et à avoir un libre arbitre ?

Au déterminisme est souvent opposé la liberté, qui définit l’individu comme un sujet de droits et de devoirs, non contraint, avec la faculté à se faire lui-même. La liberté vient légitimer le jugement moral et fonde la responsabilité. Selon nous, le choix de la stratégie de coping « soutien social » pourrait certes avoir dans certains cas une origine déterminée (par exemple socio-économique comme la pauvreté (Caron et al., 2005)) mais résulterait surtout de l’interaction de l’ensemble des sphères biologique, sociétale et individuelle. L’homme ne subirait pas de manière passive l’environnement mais aurait une part de responsabilité dans ses choix. L’homme et les différents milieux au sein desquels il vit sont en perpétuelle évolution et interaction. Lorsque l’environnement se modifie, comme lors de l’acquisition d’un nouveau travail par exemple, la structure des différentes sphères qui le constituent (micro-, méso-, macro-système…) peut être altérée et entraîner des changements dans les comportements et les développements humains. En complément, l’homme altère l’environnement en l’accordant à ses besoins et ses désirs. Il a la capacité de s’adapter, tolérer et créer les milieux au sein desquels il vit et se développe tout au long de sa vie (Bronfenbrenner, 1979). Cette théorie appuie donc notre pensée selon laquelle, les stratégies d’adaptation sont en mouvement et sont à la fois le résultat de caractéristiques prédéfinies et de la capacité de l’homme à influer sur son environnement. Ces stratégies font partie d’un processus évolutif constant et se feraient selon le modèle essai-erreur. Notre réaction à un évènement serait évaluée en fonction de ses effets et des efforts fournis. La situation serait alors réévaluée et d’autres manières de s’adapter seraient testées. Le soutien social s’inscrit selon nous au sein de cette dynamique.

De manière plus concrète, l’adaptation est un processus automatique. Cependant, il est possible d’apprendre à maîtriser, penser et évaluer la manière dont nous souhaitons nous adapter à une situation spécifique en discutant et en mettant en lumière ces processus comme le soutien social que nous utilisons au quotidien. Le programme Zippy’s friend par exemple, illustre bien la manière dont le soutien social peut être amélioré. L’idée est d’amener les enfants à identifier eux-mêmes si les solutions qu’ils ont mises en place répondent aux règles : « ça m’aide à me sentir mieux » et « ça ne fait de mal à personne ». En mettant en scène à travers des petites histoires des moments de la vie quotidienne, les enfants de 6-7 ans sont encouragés à travailler ensemble et s’entraider. Cela passe par l’augmentation de leur capacité à se faire des amis, l’amélioration de leurs capacités à aider les autres… Le programme permet d’étendre leurs options d’adaptation afin qu’ils deviennent aptes à utiliser différentes stratégies – particulièrement l’utilisation du soutien social.

Pour conclure, la question de la possibilité d’amélioration de la stratégie d’adaptation du « soutien social » fait écho à l’articulation complexe entre « déterminisme » et « liberté ». Se cantonner au déterminisme universel et renoncer au libre arbitre reviendrait à traiter l’homme comme on traite une chose, le considérer comme un animal. Nier la liberté, c’est ôter toute moralité et responsabilité aux actions de l’homme (en l’absence de libre arbitre, les plus grands dictateurs seraient-ils excusables ?). Mais dans le même temps, selon le déterminisme, notre choix d’utiliser la stratégie d’adaptation « soutien social » serait déterminé par des causes dont nous n’avons pas nécessairement conscience. La somme totale de ce qui nous constitue – à savoir notre génétique, notre histoire, nos expériences… – ne rend-t-elle pas inévitable, dans ces circonstances, nos décisions particulières ? Ou considère-t-on l’homme comme responsable moralement de ses choix?

Caroline Clavel

Étudiante au doctorat en psychologie communautaire

Références :
Caron, J. et Guay, S. (2005). Soutien social et santé mentale : concept, mesures, recherches récentes et implications pour les cliniciens. Santé mentale Québec, 2 : 15-41.

Lazarus, R.S. (1993). Coping Theory and Research : Past, Present, and Future. Psychosomatic Medicine, 55 : 234-247.

Paulhan, I. (2000). Les stratégies d’ajustement ou « coping ». Dans M. Bruchon-Schweitzer et R. Dantzer (dir.), Introduction a la psychologie de la santé (4e éd., p. 99-123). Paris, France : Presses universitaires de France.

Mishara, B. (s. d.). Le concept d’adaptation. En ligne : http://www.zippy.uqam.ca/documents/description/
concept_adaptation.pdf

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