Chronique « La fabrique à bonheur » : Que sera, sera

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Par Fietzfotos via Pixabay

La tristesse, comme toutes les émotions par ailleurs, est causée par les idées que nous entretenons à propos d’un événement qui survient dans notre existence. La tristesse apparaît notamment lorsqu’on croit que ce qui nous arrive peut nous être nuisible ou désavantageux.

Imaginez cette situation. Vous êtes le jeune président fondateur d’une petite entreprise de Québec. Aujourd’hui, vous vous apprêtez à prendre l’avion pour Toronto pour y rencontrer les hauts dirigeants d’une compagnie que vous courtisez depuis plusieurs mois déjà. Vous leur présenterez vos produits et services, au même titre que les représentants de compagnies compétitrices le feront.

Malheureusement, à cause d’ennuis de moteur, votre vol atterrit à Montréal avec du retard, et vous manquez votre correspondance pour Toronto. Pour rajouter à votre malheur, la pluie fine qui tombait ce matin s’est maintenant transformée en pluie verglaçante mélangée à de la neige. Les avions sont retenus au sol pour une période indéterminée. Votre rencontre à Toronto, organisée depuis belle lurette, ne dure qu’une journée, et il semble bien que vous soyez en train de manquer cette occasion unique de vous faire valoir. Vous vous dites que votre journée est gâchée ; sinon votre mois et, qui sait, peut-être même votre année. Un mélange de colère, de frustrations, de tristesse, de révolte, d’anxiété et même de jalousie vous envahit à la seule pensée que vos concurrents vous rafleront la vedette.

Vous vous empressez de téléphoner à votre hôte de Toronto pour lui raconter votre mésaventure. Vous le rassurez en lui disant que vous espérez atterrir à ses bureaux avant la fin de la journée — ce dont vous n’êtes absolument pas certain quand vous écoutez la météo. Vous ajoutez sur un ton convaincant qu’il ne perd rien pour attendre. Vous raccrochez, découragé.

Alors que vous aspirez nerveusement votre gorgée de café dans un restaurant de l’aéroport, une nouvelle de dernière heure projetée sur le grand écran attire soudain votre attention : l’avion dans laquelle vous deviez prendre place en direction de Toronto s’est écrasé. L’engin gît en pièces détachées sur le sol. Il n’y a aucun survivant.

Si vous étiez complètement abattu à peine quelques secondes plus tôt, vous voici maintenant tout ragaillardi, plongé dans un état de joie indescriptible. Au diable ce rendez-vous manqué : vous êtes en vie, et considérez qu’il vaut mieux être en vie que mort.

Mon exemple est sans doute tiré par les cheveux, mais je voulais surtout démontrer que nous pouvons nous créer des émotions désagréables, comme de la tristesse, de la même manière que nous pouvons nous créer de la joie. Il suffit de nous imaginer que l’événement qui nous arrive est avantageux, utile ou bienfaiteur pour nous ou, au contraire, qu’il causera notre malheur.

Il existe trois catégories d’idées : vraie, fausse ou douteuse. Une idée vraie — ou réaliste — s’appuie sur des faits objectifs, tandis qu’une idée fausse ou douteuse repose sur des opinions ou des interprétations subjectives. Dans l’exemple que je viens de vous donner, la joie comme la tristesse reposent sur une idée douteuse, car nul ne peut prédire l’avenir. En effet, personne ne peut jurer qu’une situation qui nous apparaît malheureuse sur le coup ne finira pas par tourner à notre avantage. Ou, au contraire, que la situation que nous entrevoyions comme une aubaine ne se transformera pas en un cauchemar.

Repensez à votre vie. N’avez-vous pas déjà vécu dans le passé des événements que vous aviez d’abord jugés en votre défaveur, pour ensuite les revoir comme avantageux pour vous ? Ou inversement, ce que vous trouviez bon, un jour, peut-être l’avez-vous trouvé mauvais le lendemain ?

Notre réalité change à mesure que le temps avance parce que des éléments nouveaux viennent s’y greffer. Encore une fois, ces éléments peuvent nous apparaître comme des atouts ou comme des obstacles dès que nous les filtrons ou les interprétons.

On ne sait rien de l’avenir. Ainsi, mieux vaut ne pas se créer inutilement de la tristesse en sautant hâtivement aux conclusions dans l’interprétation d’un événement. Ne rien anticiper, ni le meilleur ni le pire, demeure la meilleure attitude — même si ce n’est pas toujours aisé à réaliser.

Chaque fois que vous considérerez qu’un événement qui survient en est un fâcheux qui ne vous aidera en rien, rappelez-vous que le vent peut toujours tourner. Et si cela peut vous encourager, pensez que ça pourrait être pire ! (Je le sais, je le dis souvent, mais c’est tellement vrai !)

 

Que sera, sera

Demain n’est jamais certain

Laissons l’avenir venir

Que sera, sera

What will be, will be

(Doris Day)

 

Par Sophie-Luce Morin

 

Exercices créatifs POUR STIMULER VOS NEURONES

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J’ai failli vous écrire à propos de la créativité. Je voulais vous parler d’un projet d’essai sur la créativité, que j’ai fait dans un marathon de création de 48h, qui se nomme « La pollinisation » .

J’ai changé d’idée. À la place, je vous propose deux petits exercices tout simples de création à saveur cinématographique dans le but de stimuler vos neurones.

Je pense qu’on pourrait toujours finir nos phrases par « pour stimuler nos neurones » – parce que tout stimule nos neurones :

  • N’oublie pas de faire le souper pour stimuler nos neurones.
  • J’ai acheté un cheval sur Kijiji pour stimuler nos neurones
  • Ça pue pour stimuler nos neurones.
  • AU FEU POUR STIMULER NOS NEURONES!

Parlant de stimuler nos neurones: je ne peux pas vous le faire entendre, mais j’ai un enregistrement de Marc-André Bédard, durant le cours de bases psychobiologiques du comportement, qui dit : « Je me stimule, je me touche », parce qu’il incarnait un neurone pour nous l’expliquer… ça me fait vraiment rire. Bref.

⚠️Avant de commencer, voici le matériel dont vous allez avoir besoin ⚠️

  • Votre crayon préféré
  • Un notebook OU du papier

OU

  • Un ordinateur

OU

  • Un typewriter

OU

  • Des craies
  • Un tableau pour écrire dessus avec des craies

OU

  • L’usage de la parole

 

Exercice #1 – Les films à l’envers

Je fais ça depuis bien longtemps, souvent c’est juste pour déstabiliser les gens lors de rencontres quelconques (chose que je fais constamment – c’est pour ça que j’ai juste 3 amis).

Voici comment ça fonctionne:

  1. Choisissez dans votre tête un film que vous connaissez bien.
  2. Racontez l’histoire de ce film, mais à l’envers – comme si l’histoire partait de la fin pour se rendre au début.
  3. Appréciez l’absurdité du récit et/ou laissez cette nouvelle histoire vous inspirer.

Donc par exemple, si je choisis le film La Ligne Verte (attention spoilers), je pourrais dire que c’est l’histoire de John Coffey, un être bien musclé avec des pouvoirs de guérison, qui se fait ressusciter sur une chaise électrique dans le but de passer un peu de temps dans le corridor de la mort, pour ensuite sortir et sauver la vie de deux fillettes.

Je vous encourage à vous concentrer sur un personnage, un événement ou une histoire en particulier, pour éviter de raconter TOUT le film. Vous pouvez également interpréter les motivations des personnages, changer des éléments par souci de cohérence, ou par souci d’incohérence! Jouez avec les concepts POUR STIMULER VOS NEURONES!

 

Exercice #2 – Le nouveau film qui existe déjà

Celui-ci est un peu plus difficile puisqu’il demande un niveau de création un peu plus abstrait, mais reste quand même très accessible.

Voici comment ça fonctionne:

  1. Choisissez le titre d’un film que vous ne connaissez pas. Demandez à des amis, regardez sur internet ou choisissez un titre de film que vous connaissez, mais dont vous ne connaissez en rien l’histoire et les personnages.
  2. Inventez une histoire à partir seulement du titre.

Vous avez probablement déjà fait ça dans un club vidéo (REST IN PEACE xxx) dans votre jeunesse ou bien en naviguant sur Netflix – essayez de deviner ce que c’est seulement avec le titre… C’est un peu la même chose, mais au lieu de « deviner » – vous créez! Vous n’avez ensuite qu’à changer le titre du projet, le produire et encaisser les millions et la gloire.

 

Avant qu’on se laisse, voici 3 CHEAT CODES de créativité, comment les activer et ce qu’ils font concrètement:

 

CHEAT CODE #1 – CARDBOARDBOX

Nom: CARDBOARDBOX

Comment l’utiliser: Il y a deux moyens: allez dans une épicerie de votre quartier et demandez d’avoir des boîtes de carton OU allez dans une quincaillerie ou un magasin de grande surface et achetez des boîtes de carton.

Utilité: Vous allez tellement vous demander pourquoi vous avez fait ça que vous allez vouloir rentabiliser la dépense de temps et d’énergie de la recherche de boîte – cela va vous motiver à trouver quelque chose à faire avec la boîte!

 

CHEAT CODE #2 – INVISIBLETODOLIST

Nom: INVISIBLETODOLIST

Comment l’utiliser: Ne faites rien POUR STIMULER VOS NEURONES.

Utilité: Se rappeler de  ce qu’on devrait faire sans to-do list. Vous allez probablement angoisser de ne rien faire et passer en revue tout ce que vous devriez être en train de faire.

 

CHEAT CODE #3 – SECRETBAND

Nom: SECRETBAND

Comment l’utiliser: Lorsque quelqu’un vous parle d’un groupe de musique qu’il adore (mais qu’il n’est pas dans la catégorie « FAN FINI »), dévoilez à cette personne: « Savais-tu qu’ils ont déjà joué secrètement sous un autre nom? »

Utilité: C’est comme faire de l’improvisation, mais sans que l’autre personne ne le sache. Ça vous permet d’inventer une histoire sur pourquoi le groupe a décidé de faire cela, d’inventer des titres de chansons, des anecdotes de tournées, etc. Libre à vous de finir la discussion en laissant croire à l’autre personne que c’est vrai, ou pas.

 

Merci beaucoup, lâchez pas POUR STIMULER VOS NEURONES!

Je vous aime (presque) tous.

xxx

 

Par Claude Jr Labonté Lefebvre

 

Il existe pourtant…

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Par Freestocks via Unsplash

Le meilleur poème de Marie Uguay

Il existe pourtant des bons et de moins bons poèmes; même Baudelaire n’a pas écrit que des chefs-d’œuvre. De la même façon, Marie Uguay avait un style bien à elle, unique et facile à reconnaître, mais difficile à imiter.

Cependant, son poème intitulé « Il existe pourtant des pommes et des oranges » a un style unique. C’est ce qui en fait à mes yeux sa meilleure œuvre. Les cent plus beaux poèmes québécois, en choisissant ce texte, semblent abonder dans le même sens, ce qui m’a poussé à me demander… Pourquoi? Pourquoi ce poème parvient-il à nous toucher plus que les autres?

Le poème va comme suit :

 

Il existe pourtant des pommes et des oranges 

Cézanne tenant d’une seule main

toute l’amplitude féconde de la terre

la belle vigueur des fruits

Je ne connais pas tous les fruits par cœur

ni la chaleur bienfaisante des fruits sur un drap blanc

Mais des hôpitaux n’en finissent plus

des usines n’en finissent plus

des files d’attente dans le gel n’en finissent plus

des plages tournées en marécages n’en finissent plus

J’en ai connu qui souffraient à perdre haleine

n’en finissent plus de mourir

en écoutant la voix d’un violon ou celle d’un corbeau

ou celle des érables en avril

N’en finissent plus d’atteindre des rivières en eux

qui défilent charriant des banquises de lumière

des lambeaux de saisons     ils ont tant de rêves

Mais les barrières       les antichambres n’en finissent plus

Les tortures       les cancers n’en finissent plus

les hommes qui luttent dans les mines

aux souches de leur peuple

que l’on fusille à bout portant     en sautillant de fureur

n’en finissent plus

de rêver couleur d’orange

Des femmes n’en finissent plus de coudre des hommes

et des hommes de se verser à boire

Pourtant malgré les rides multipliées du monde

malgré les exils multipliés

les blessures répétées

dans l’aveuglement des pierres

je piège encore le son des vagues

la paix des oranges

                                                    de sa construction

et tout l’été dynamique s’en vient m’éveiller

s’en vient doucement     éperdument me léguer ses fruits

 

En toute honnêteté, n’eut été d’Il existe pourtant, j’aurais lu le recueil de Marie Uguay d’un bout à l’autre sans m’arrêter, comme tant d’autres recueils. J’en serais ressorti avec l’impression d’une femme indépendante et courageuse, sensible à l’extrême et vulnérable à ses heures. Mais maintenant, je vois plutôt les contours d’une femme révoltée, qui utilise sa vulnérabilité pour faire passer un message de révolte solidaire.

En fait, ces quelques vers au milieu du recueil (Poèmes, éditions Boréal) sortent le lecteur de la transe habituelle des recueils de poésie qui sont moins qu’exceptionnels. Normalement, nous devinons un sens profond derrière les mots, mais le regard s’embrouille et les mots s’enchevêtrent. Pour les plus sensibles d’entre nous, la surdose de sympathie nous force à glisser sur les pages, nous laissant bercer par le ressac des hauts et des bas évoqués avec subtilité.

Pas ici, car ce poème réveille le lecteur comme un électro-choc. En fait, ces pages nous forcent à réévaluer le sens de tout ce que nous venons de lire. Tout à coup, des thèmes de lutte ouvrière apparaissent de nulle part. Des thèmes d’enjeux sociaux, intemporels, importants et parfois insupportables. Serait-ce cette indignation palpable et légendaire qui a inspiré tout ce qui est venu avant, et tout ce qui vient après?

Je l’ignore toujours, mais je crois que la réponse n’est pas si simple.

En fait, je n’ai pas pu m’empêcher de le voir comme un défi au lecteur. Un regard implacable sorti tout droit des films les plus héroïques. Une façon de nous rappeler que la patience de ses vers est née dans l’urgence de faire face à une société qui ose peu ou prou se regarder dans le miroir.

C’est un poème qui démontre la lucidité de l’auteure. Elle n’est pas absorbée par sa petite personne, elle n’écrit pas par ennui ou par désir de se sentir intelligente (un piège de tout instant quand on écrit). Non, la seule conclusion que je puisse tirer à la fin d’un recueil qui contient un seul poème outré, c’est que l’auteure écrit parce que c’est la seule chose à faire, un acte de résistance important face à un monde indigne, mais très peu indigné.

Ce qui fait d‘Il existe pourtant le meilleur poème de Marie Uguay, c’est qu’il décuple la puissance de toute son œuvre, en nous obligeant à réaliser que l’auteure a réussi à faire pousser quelques plants de sagesse dans une terre brûlée.

« Doucement Cézanne se réclame de la souffrance du sol » – Marie Uguay

 

Par Guillaume Boudrias

 

Maison Monbourquette – Fiche

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Quelle est la clientèle concernée et quel est le but de l’organisme?

Organisme à but non lucratif, la Maison Monbourquette a été fondée en 2004 par Madame Lisette Jean. La mission principale est d’offrir gratuitement différents services de soutien et des ressources aux personnes vivant un deuil suite au décès d’un être cher. Elle vise le développement et la mise en place de services destinés au grand public à travers le Québec. La formation de bénévoles, spécialisés dans le suivi de deuil et la relation d’aide, fait partie intégrante de sa mission tout comme la formation de professionnels de la santé qui œuvrent auprès d’endeuillés. Enfin, la sensibilisation du grand public au sujet du deuil et du suivi de deuil, que ce soit par le biais d’évènements, de publicités ou de relations publiques, est aussi au cœur de sa mission.
Ça se situe où?

Le bénévolat se fait à partir des locaux de la Maison Monbourquette située au 185 avenue Bloomfield dans le quartier Outremont à Montréal.

 

Est-ce qu’il faut une formation? Si oui combien d’heures dure-t-elle?

Une formation de 36 heures qui s’échelonnent sur plusieurs jours complets, soit de 9h30 à 17h00, est obligatoire en vue de devenir bénévole au sein de notre organisation. Une entrevue de sélection est préalable à votre participation. La formation à lieu dans nos locaux.

 

Périodes de recrutement?

Il y a deux formations par année, une à l’automne et une au printemps. Les périodes de recrutement se font tout au long de l’année, à partir d’un formulaire disponible sur notre site internet http://www.maisonmonbourquette.com. Les entrevues de sélection se font en septembre pour la formation donnée à l’automne, et en février pour la formation du printemps.

 

Est-ce qu’on a le choix entre plusieurs postes?

La grande majorité de nos bénévoles sont à la ligne d’écoute. Toutefois, quelques bénévoles impliqués depuis un certain nombre d’années et répondant à des critères définis pour chaque différent poste peuvent, par exemple, coanimer des groupes de soutien et/ou faire de l’accompagnement individuel. Il est aussi possible de faire de la représentation lors d’évènements.

 

Quelles sont les tâches principales pour chaque poste?

Le rôle de bénévole à la ligne d’écoute consiste à accueillir l’appelant de façon chaleureuse, à signifier sa présence, à utiliser les principes de l’écoute active qui lui ont été enseignés lors de la formation initiale, dans le but d’aider la personne à verbaliser sa situation en lien avec le deuil et à cheminer.

Plus spécifiquement, la personne bénévole doit :

  • Consulter le cahier des messages et retourner les appels;
  • Répondre aux appels entrants; écoute active, normalisation, informations sur le deuil, soutien, références, etc.;
  • Compléter les fiches d’appel sur le logiciel LIXI;
  • Compléter les informations nécessaires si la personne souhaite obtenir un service à l’interne;
  • Donner de l’information sur les services de la Maison Monbourquette et référer à des ressources externes au besoin.

 

Quelles sont les qualités nécessaires?

  • Bonne écoute
  • Empathie
  • Sens des responsabilités
  • Ponctualité
  • Fiabilité
  • Maturité
  • Engagement
  • Capacité d’introspection
  • Avoir un bon jugement
  • Être en paix avec ses propres deuils

 

Globalement que retires-tu de l’expérience?

Une solide formation portant principalement sur le deuil et les techniques de l’écoute active. La possibilité d’être en contact avec des personnes en deuil et vivant plusieurs problématiques (solitude, santé mentale, dépendance, difficultés familiales, etc.) ainsi que la possibilité de mettre en pratique vos connaissances. Un lieu d’appartenance et d’échange. La possibilité d’assister à des conférences, des supervisions de groupe et à des formations.

 

Chronique « Les minutes douces » : Je suis étudiante en psychologie, mais je ne vais pas toujours bien

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Par Laurence Inkel

Je suis étudiante en psychologie, et je suis loin d’être experte en matière de bonheur. La santé psychologique m’est encore mystérieuse, à moi aussi, et ce, en dépit des facteurs connus qui la nourrissent que nous articulent soigneusement la bouche et les PowerPoint des enseignants du département. J’aspire à soutenir le déploiement du potentiel psychique des individus, et pour cette même raison, si belle, mais subtilement stigmatisante à la fois, je ressens souvent l’exigence de bien aller, de profondément être épanouie et satisfaite de la vie que je mène, et de manifester une gestion assidue de l’ensemble de mes sphères. Plusieurs semblent nourrir l’idée de la personne aidante « parfaite », l’idée qu’aspirer à un métier d’aide est cette chance de l’existence facile et dépourvue de peine qui dépasse. Cette chance de bien-être a priori permettant le cheminement vers une profession de « prendre soin », l’idée que l’aidant.e soit une personne dotée d’une constante clarté sans faille, d’une empathie sans fond et dépeinte d’exceptions, d’émotions qui ne heurtent personne et qui s’enrichissent continuellement au fil du temps, et d’une absence de toute carence et de pensée éparpillée.

Je suis étudiante en psychologie, et j’entends la croyance implicite que je me dois d’avoir résolu ma quête de l’équilibre pour adéquatement pouvoir venir en aide à autrui et succéder auprès des aidé.es. Je ressens également la croyance que j’ai constamment l’énergie et la volonté de profondément comprendre, accepter et justifier les comportements de ceux qui m’entourent, et que j’ai la flexibilité et le jus mental sur demande. Je ressens l’attente que je sois nécessairement vouée d’une aisance avec tous, d’une capacité à aisément aborder l’ensemble de mes émotions, d’une habileté à m’affirmer partout et sans offenser, d’une disponibilité et réceptivité inépuisables, en tout temps. Je suis passionnée par la résilience et le rebond individuel suite aux traumas psychologiques, mais je n’en suis personnellement pas moins à risque de devoir composer, à un moment donné ou à un autre, avec des difficultés psychologiques et des lourdeurs mentales, et je n’en serais guère moins chaleureuse et compétente pour autant, et je n’en serais guère moins apte à guider les individus vers l’éclosion de leur épanouissement. Avoir l’ambition de tendre la main comme profession ne signifie pas que cela en est infailliblement toujours ainsi sur le plan personnel, avec tout individu et à tout moment. Tendre vers un métier de don de soi ne signifie pas la priorisation sous-jacente des besoins des autres au détriment des siens dans la vie de tous les jours. Pourtant, ce sont des aspects qui semblent assumés chez les êtres aspirant à un travail d’aider. Le problème avec ces croyances au sujet des futur.es aidant.es est qu’elles sont irrationnelles et qu’elles engendrent des attentes surréalistes quant à leurs manières de faire et de réagir.

Je suis étudiante en psychologie, mais je ne vais pas toujours bien et je ne peux guère répondre à l’ensemble de ces standards. Je suis humaine avant de porter ce rôle social et d’entrer dans ce moule contraignant à invariablement bien faire, bien dire et sympathiser. Être étudiant.e dans le domaine de la psychologie n’équivaut pas la capacité au travail émotionnel 24 heures sur 24. Le travail émotionnel, qui se définit comme « le fait d’être touché par l’autre, de se mettre à sa place, de se sentir responsable et concerné par ce qu’il traverse[1] », est une habileté exigeante qui ne peut s’exercer sans répit, à la fois dans la vie professionnelle et personnelle, sans engendrer certaines conséquences sur le bien-être mental. Le travail émotionnel à temps plein est une lourde charge émotionnelle qu’aucun individu ne peut prendre en sa responsabilité à chaque instant de son existence et en toute période de sa vie. Le travail émotionnel des futur.es psychologues semble pris pour acquis dans leurs comportements relationnels et perçu comme une tendance naturelle ne leur requérant que très peu d’effort.

Le stress de compassion est une réalité à ne pas négliger dans le milieu d’aide, d’où l’importance d’attentivement s’écouter et apprendre à ne pas agir en fonction du préjugé de la force mentale indéfectible. Il est important de se sensibiliser à la stigmatisation qui entoure les futur.es aidant.es, des individus qui, comme les autres, ne sont pas et ne seront jamais invincibles. Ces standards utopiques et ce mythe d’invincibilité doivent disparaître pour que tout.e aidant.e soit authentiquement considéré.e, dans l’amalgame de ses émotions, de ses limites et de ses incapacités.

Écrit par Laurence Inkel

 

[1] Sabine Fortino, Aurélie Jeantet et Albena Tcholakova, « Émotions au travail, travail des émotions », La nouvelle revue du travail [En ligne], 6 | 2015, mis en ligne le 12 juin 2015, consulté le 13 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/nrt/2071 ; DOI : 10.4000/nrt.2071

 

Le CARACC : un exemple de coopération étudiante

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Par Janko Ferlic via Unsplash

L’UQAM se distingue par le sentiment de collectivité qui unit sa communauté étudiante. Plus particulièrement en psychologie, nous sommes uni.e.s par plusieurs réseaux d’entraide et de soutien qui facilitent le quotidien des étudiants. Que ce soit pour partager des notes de cours, des occasions d’emploi ou des informations pertinentes, nous sommes présent.e.s les un.e.s pour les autres et sommes motivé.e.s à partager nos connaissances et nos outils parce que nous savons que nous aurons accès à ces mêmes ressources lorsque nous en aurons besoin.

Le Centre d’Aide et de Références en Approche Cognitive et Comportementale (CARACC) s’intègre dans une vision de coopération universitaire. Il s’agit d’un projet élaboré par trois étudiant.e.s désirant améliorer l’expérience universitaire en promouvant la collaboration plutôt que la compétition.

En plus de créer un environnement positif et agréable, ce fonctionnement offre également des possibilités d’implications et d’apprentissages. En ce sens, des projets comme le CARPH, le CAREN, le journal étudiant Le Psy-Curieux et le CARACC, offrent des services aux étudiant.e.s et leur proposent également des occasions de développer leurs compétences et d’acquérir de l’expérience. L’organisation de conférences permet un partage dynamique des connaissances et donne également l’occasion aux étudiant.e.s de parler de leurs projets de recherches et d’obtenir une expérience de présentations en public.

Le doctorat en psychologie est un programme particulièrement vaste dans lequel les étudiant.e.s ont la possibilité d’oeuvrer dans des domaines très variés. Notre vision pour le futur de la psychologie à l’UQAM implique de favoriser davantage la communication entre les étudiant.e.s. Nous espérons que l’administration et les professeurs continueront de soutenir les initiatives étudiantes afin que d’autres projets semblables puissent voir le jour. Nous pensons que l’esprit de communauté qui règne de plus en plus dans notre programme est la base d’une saine solidarité et d’un programme d’étude, d’intervention et de recherche prospère.

 

Évolution du Centre

Le CARACC a commencé ses activités en organisant des groupes d’étude pour différents cours du bac liés à l’approche cognitive et comportementale (ACC). Il s’agit de regroupements d’étudiant.e.s suivant un même cours et qui se regroupent pour discuter de concepts vus en classe. Les membres peuvent également compléter leurs notes de cours ensemble et se préparer pour les examens. Habituellement, les séances se déroulent au CAREN à raison de deux heures par semaine. Le CARACC a offert des groupes d’étude relatifs aux cours :

  1. Psychopathologie descriptive (PSY4110);
  2. Psychologie de l’apprentissage (PSY4060);
  3. Processus cognitifs (PSY4071);
  4. Psychologie cognitive et comportementale (PSY4181).

Une section dédiée aux ouvrages portant sur l’ACC est également disponible au Centre d’Activités et de Ressources Étudiantes en Neurosciences (CAREN) situé au SU-J515. Cette bibliothèque permet aux étudiant.e.s d’avoir accès gratuitement à des ressources utiles pour les cours du bac, ainsi que pour la rédaction scientifique. Les livres y sont identifiés par des étiquettes bleues. Nous en profitons pour remercier les professeurs André Marchand et Ghassan El-Baalbaki qui ont fait don de la majorité des ouvrages disponibles. Nous invitons tous ceux et celles qui aimeraient donner des livres ou des revues scientifiques à nous contacter.

Le CARACC organise aussi des conférences sur les thèmes touchant l’approche cognitive et comportementale. En effet, à l’automne 2017, le Centre a reçu sa toute première conférence intitulée « Schizophrénie : s’affranchir de l’identité de patient pour retrouver son identité ». La conférencière, Casandra Roy Gelencser, étudie à l’UQAM et travaille à l’Institut en santé mentale Douglas.

Finalement, le Centre a également lancé une page Facebook où plusieurs outils sont mis à la disposition des étudiant.e.s. Vous y retrouverez, entre autres, des liens vers différents sites Web ainsi que des baladodiffusions sur différents thèmes. Nous y diffusons également des offres d’emplois et des renseignements concernant certains congrès. Cette page Facebook permet aussi d’avoir accès aux messages des administrateurs et administratrices par rapport à l’ajout de groupes d’étude, aux plages horaires disponibles pour ces groupes et aux prochaines conférences.

 

Quelques statistiques

Le CARACC a officiellement pris forme lors de la session d’hiver 2015. Malgré la nouveauté du Centre, quatre groupes d’étude ont été créés pour un total de 25 rencontres, ce qui est considéré comme une réussite.

En trois ans, nous avons observé un taux de participation aux groupes d’étude plus faible à l’automne qu’à l’hiver. Effectivement, moins de cours liés à l’approche que nous privilégions sont offerts à l’automne. Ainsi, on relève en moyenne cinq rencontres lors des sessions d’automne, alors qu’on en compte plus de 20 lors des sessions d’hiver.

Aujourd’hui, nous sommes très fiers et fières de savoir que nous avons aidé plus de 250 étudiant.e.s dans le cadre de sept cours du baccalauréat pour un total de 81 rencontres!

Ces résultats démontrent l’existence d’une réelle demande pour les services offerts par le CARACC. Notre objectif ultime est d’ouvrir un Centre indépendant à l’image du CAREN ou du CARPH. Les statistiques permettent de démontrer le besoin d’encourager l’étude de sujets liés aux théories cognitives et comportementales.

 

Pour conclure.

Nous tenons à remercier le CAREN pour son soutien dans nos démarches, et invitons tous les étudiant.e.s intéressé.e.s par l’approche cognitive et comportementale à suivre notre page Facebook CARACC-UQÀM ou à nous contacter.

Assia Boudjerida

Emilie Gagnon St-Pierre

Olivier Lépine
Pour rejoindre la page Facebook du CARACC: https://www.facebook.com/groups/270822123429499/

 

« Chroniques d’une névrotique » – Le Naïkan : vers une thérapie humaniste japonaise

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Par Jay Ma via Unsplash

Origine

Pour expliquer la thérapie Naïkan, on doit d’abord expliquer d’où provient le Naïkan. C’est un terme japonais qui veut dire : « regard intérieur » ou « introspection ». On peut aussi le traduire par « se voir avec les yeux de l’esprit » (Murase, 1996). Les traductions sont cependant maladroites, car elles n’en capturent pas tout à fait l’essence véritable avec notre vocabulaire occidental. Cette pratique a été développée en 1956 par le bouddhiste japonais Ishin Yoshimoto. C’est en voulant rendre accessible à la communauté une méthode difficile de méditation qu’il a développé le Naïkan.

Le Guide

Le pratiquant – c’est ainsi que se nomme l’utilisateur du service – est appuyé par un guide. Ce dernier doit avoir de la compassion, une capacité d’écoute et une « disponibilité intérieure ». Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir des connaissances en psychothérapie, il est cependant essentiel d’avoir « 1) une qualité d’écoute et d’acceptation totale, 2) une attitude d’humilité et de gratitude devant les réflexions du pratiquant, et 3) une pratique quotidienne du Naïkan » (Murase, 1996). Le guide invite aussi le pratiquant à observer la réalité sans le filtre des émotions. Les émotions portent des vérités, mais pas celle de la vérité vraie. Ainsi donc, le fil conducteur est la réalité, non pas les émotions dans cette thérapie (Murase, 1996).

Méthode

Le Naïkan se pratique lors d’une retraite qui dure une semaine, à raison de 15 heures par jour (Itoh & Hikasa, 2014). Les pratiquants s’isolent donc de la vie pendant sept jours. Ils sont hébergés dans un centre, où on leur simplifie la vie en leur fournissant les repas et les autres commodités afin qu’ils puissent se concentrer à 100% sur leur pèlerinage personnel (Murase, 1996). On ne parle pas de méditation, mais plutôt de réflexion. Le rythme de vie est très strict. La structure des journées est rigide afin de réduire le plus possible les tracas des pratiquants et le stress de se demander quand devoir faire quelque chose. L’horaire permet d’effacer les obstacles qui nuisent à une bonne réflexion. Les pratiquants sont tous dans la même salle, derrière des paravents. Ils sont cependant bien espacés pour conserver l’intimité et la confidentialité.

La réflexion durant ces sept jours[1] est également structurée. Non pas qu’on impose un rythme de réflexion, mais plutôt qu’on invite le pratiquant à se limiter à trois questions. De plus, les observations doivent être concrètes (Murase, 1996).

Les trois questions

  • Qu’ai-je reçu d’autrui?
  • Qu’ai-je fait pour autrui?
  • Qu’ai-je causé comme tort à autrui?

(Murase, 1996)

La première question, « Qu’ai-je reçu d’autrui? », a pour but de nous faire réaliser ce que nous avons réellement, mais que dans la frustration ou le ressentiment envers cet autre, nous ne voyons pas (Murase, 1996). Ainsi, nous pouvons réaliser que nous avons reçu  de petites choses qui ont eu une valeur très importante, et vice-versa. Le pratiquant est invité à constater ce qu’il a reçu de cet autre, en le notant sur une feuille de papier. Il dresse une liste mentale de toute l’aide qu’il a reçue, tangible ou non (Murase, 1996).

La deuxième question, « Qu’ai-je fait pour autrui? », a pour but de mettre de côté la préconception que tout nous est dû (Murase, 1996).

La troisième question, « qu’ai-je causé comme tort à autrui » est la plus difficile des questions. Elle est placée à la fin de la liste pour cette raison (Murase, 1996). Lorsqu’un accident arrive, il est fréquent d’accuser l’autre ou de dire que c’était justement, un accident. Il est très rare de voir les gens accepter avec humilité leur tort, sans chercher à partager la culpabilité avec quelqu’un. Il est même fréquent de vouloir aider et de finalement nuire. Ainsi, lorsqu’une feuille tombe de l’arbre, elle ne tente pas de montrer seulement le bon côté d’elle-même. Elle tombe, simplement (Murase, 1996). C’est un fait. C’est l’attitude de cette feuille d’arbre que la troisième question tente de reproduire. Il faut donc accepter ce qui arrive, sans essayer de montrer notre bon côté lorsque nous faisons des erreurs ou que nous blessons les gens. Que ce soit voulu non, ça s’est produit. C’est arrivé. Peu importe l’angle sous lequel on le regarde.

Ainsi, lorsqu’une feuille tombe de l’arbre, elle ne tente pas de montrer seulement le bon côté d’elle-même. Elle tombe, simplement (Murase, 1996). C’est un fait. C’est l’attitude de cette feuille d’arbre que la troisième question tente de reproduire. Il faut donc accepter ce qui arrive, sans essayer de montrer notre bon côté lorsque nous faisons des erreurs ou que nous blessons les gens.

Dans ces trois questions, autrui peut être virtuellement n’importe qui. Mais il est recommandé de commencer par le plus dur, soit par la personne significative de notre vie : notre mère (ou son remplacement) puisque c’est d’elle que nous recevons le plus et que c’est elle que nous blessons le plus (Murase, 1996). On choisit également un temps donné. Un moment précis. L’essentiel est de se concentrer sur une chose à la fois. Sur une vérité à la fois. La thérapie Naïkan en est une de réconciliation avec nos parents, mais aussi avec nous-mêmes afin de nous pardonner le mal qu’on a fait à nos êtres chers (Murase, 1996).

 

Humanisme et Naïkan, valeurs communes

L’humanisme existentiel met l’accent sur l’, sur la conscience d’exister. Cette conscience d’exister est subjective. L’homme est libre et cette liberté le place dans une situation de responsabilisation de ses actions qui peut entraîner de la Dans le Naïkan, on vient lutter contre cette culpabilité par l’introduction de la gratitude envers la vie. Le principe directeur est la confiance absolue dans les capacités de l’homme « de porter un regard juste sur ses propres actes » (Murase, 1996). Ce principe s’inscrit aussi dans l’approche centrée sur la personne (ACP), puisque dans l’ACP, le thérapeute croit en son client et en son potentiel à résoudre lui-même ses problèmes.

 

Conclusion

Au travers des trois questions, on découvre que « l’on a reçu beaucoup et peu donné » (Murase, 1996). Et qu’on a fait souffrir. La « tâche est de nous souvenir de nos attitudes et de nos comportements, tels qu’ils ont pu être perçus par les autres » (Murase, 1996). Cela pourrait sembler être une méthode culpabilisante, mais le guide se garde de projeter un jugement sur le pratiquant (Murase, 1996). Ces questions mènent éventuellement au pardon de soi.

Ce qu’il reste, après une semaine de réflexion, c’est un changement profond et permanent. Le fait d’avoir ouvert les yeux sur la vérité, et d’avoir vu le monde tel qu’il est au lieu de le voir comme nous aimerions le percevoir permet de s’ancrer dans une réalité vraie, sans concept et sans présupposé  (Murase, 1996).

 

Par Daphné Han Harvey

 

 

 

Références

Gendlin, E. T. (1998). Le Focusing. A.F.P.C. (4). (Notes de cours)

Itoh, K., & Hikasa, M. (2014). Focusing and Naïkan, A uniquely Japanese way of Therapy. Emerging Practice in Focusing-Oriented Psychotherapy: Innovative Theory and Applications, 112.

Murase, T. (1996). La pratique du Naïkan. LeKremlin-Bicêtre: Éd. La Pierre dAngle.

[1] Le Naïkan se pratique encore ainsi, mais il a aussi été adapté à une formule thérapeutique plus occidentale à raison d’une séance par semaine (Murase, 1996).

[2] Notes de cours (LeSouarnec, 2017)

 

La sérotonine et ses effets multiples sur le comportement : Partie III

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Par Joel Filipe via Unsplash

Introduction : Dans la dernière partie de cette trilogie, la sérotonine sera abordée en fonction de son interaction avec plusieurs types de comportements chez l’homme, la truite, le cochon et le rat. On y parlera, entre autres, de de spiritualité, d’agressivité, de comportements prosociaux, de fatigue et de douleur.

Récepteur sérotoninergique 5-HT1A  et la spiritualité : Transcendance, vient du latin transcendens qui veut dire franchir, surpasser. Le désir de transcendance qui se manifeste, entre autres, par l’acceptation d’expériences spirituelles (versus le rationalisme matériel dans la sous-échelle du test) corrèle avec une faible densité des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A. Les auteurs de l’étude spéculent que la variabilité chez les gens dans le zèle spirituel s’expliquerait en partie par une différence de densité des autorécepteurs 5-HT1A là où une faible densité dans les noyaux du raphé dorsaux, l’hippocampe et le néocortex (couche externe des hémisphères) corrèle avec un grand zèle spirituel (Borg, Andree, Soderstrom & Farde, 2003). Une faible densité de récepteurs ne signifie pas automatiquement qu’il y a une faible activité corticale sérotoninergique, en fait la question est toujours ouverte à savoir si la faible densité des récepteurs sérotoninergiques résulte en une plus grande ou plus faible activation de la sérotonine.

Tryptophane et agressivité chez la truite, le chien et le cochon : L’élément limitant dans la synthèse de la sérotonine est le tryptophane hydroxylase. Chez la truite arc-en-ciel, l’ajout à l’alimentation de suppléments de tryptophane durant sept jours diminue la fréquence et l’intensité au point de supprimer les comportements agressifs chez ces poissons. L’effet observé serait médié par une augmentation de l’activité cérébrale sérotoninergique (Winberg, Øverli & Lepage, 2001). Le chien et le cochon ont en commun le fait que le tryptophane diminue la fréquence et l’intensité de leurs comportements agressifs. La baisse de l’agressivité est liée à l’augmentation de la production de sérotonine (DeNapoli, Dodman, Shuster, Rand & Gross, 2000; Poletto, Meisel, Richert, Cheng & Marchant-Forde, 2010).

Agressivité chez le singe vervet : Chez le singe vervet le tryptophane réduit la fréquence et l’intensité des comportements agressifs en général. Cependant, si le vervet est isolé, le tryptophane n’a pas d’effet par rapport aux comportements agressifs. Fait étonnant, la sérotonine augmente les cas d’agressions et la vigilance (Raleigh & McGuire, 1991). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les mâles dominants ont des niveaux plus élevés de sérotonine (Raleigh, McGuire, Brammer, Pollack & Yuwiler, 1991). Et donc, les mâles dont le niveau de sérotonine augmente essaient de monter dans la hiérarchie en adoptant un comportement agressif. De plus, l’activation du mécanisme sérotoninergique est une étape critique pour atteindre un haut statut de dominant. Les changements comportementaux sont similaires, que le processus soit naturel ou induit expérimentalement. Par ailleurs, lorsqu’on augmente la sérotonine chez un vervet soumis, il pourra acquérir un rang social plus élevé, mais il ne pourra pas devenir dominant si l’organisation sociale comprend déjà un mâle alpha, sauf exception, dans le cas d’une organisation sociale instable (Raleigh et al., 1991).

Agressivité chez les humains : Chez les adolescents délinquants âgés de 14 à 17 ans ayant des troubles de comportements, on retrouve trois fois plus de sérotonine dans les plaquettes pauvres du plasma sanguin comparativement à des sujets contrôles. De plus, il existe une corrélation significative entre le niveau de sérotonine dans les plaquettes pauvres du plasma sanguin et la sévérité des agressions envers autrui, de r=0,59 (p=0,016) (Golubchik, Mozes, Vered & Weizman, 2009). Cela indique que la sérotonine joue un rôle d’importance dans la gestion de l’agressivité.

Une méta-analyse de l’université McGill a étudié le rôle de la sérotonine, dans le cas d’une déplétion provoquée expérimentalement de tryptophane, dans l’humeur et les interactions sociales. La déplétion de tryptophane entraîne en une humeur plus faible, une augmentation de l’irritabilité et une augmentation de la fréquence des réponses agressives. Le tryptophane augmente la fréquence des comportements dominants (comme le contact visuel) durant les interactions sociales. Les chercheurs concluent que des niveaux plus élevés de sérotonine peuvent aider à promouvoir des interactions sociales plus constructives en diminuant les agressions et en augmentant la dominance (Young & Leyton, 2002). La distinction entre dominance et agression ajoute un niveau de complexité à l’étude de la sérotonine.

Comportements prosociaux : Des sujets à qui on a donné un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, le citalopram, ont démontré un contact visuel soutenu lorsqu’ils parlaient (synonyme de domination). Les participants ont envoyé plus de messages coopérants durant une interaction dyadique. Cela signifie que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine augmentent la fréquence des comportements d’affiliation et peuvent modifier le statut social (Wai & Bond, 2002).

Cannabis chez le rat : Le tétrahydrocannabinol (THC) est un des ingrédients actifs principaux du cannabis. L’administration de marijuana à des rats augmente significativement de 66% la sérotonine dans leur cerveau après 30 minutes. Le processus ne passe pas par l’inhibition de la dégradation par la monoamine oxydase. Aussi, la synthèse de sérotonine est réduite de 50% par le THC (Sofia, Dixit, Dixit & Barry, 1971).

Mémoire et apprentissage : Une méta-analyse arrive à la conclusion que l’administration de récepteurs sérotoninergiques agonistes 5-HT2A/2C ou 5-HT4 ou de récepteurs antagonistes 5-HT3 ou 5-HT1B préviendrait les problèmes de mémoire et faciliterait l’apprentissage dans des situations demandant un haut niveau cognitif chez les souris (Buhot, Martin & Segu, 2000).

Activités physiques et fatigue : Certains moyens naturels, tels que le sport, existent pour faire varier les taux de sérotonine. Des souris qui ont suivi un entraînement de natation pendant 45 jours ont vu leur niveau de sérotonine augmenter significativement dans leur cerveau (p=0,02) (Yunkun, 1999). Des rats ont vu leur concentration en sérotonine augmenter dans leur cerveau, après une heure d’entraînement à 60-65% de leur VO2 maximal, et ce niveau était encore plus haut après trois heures d’entraînement. Donc, le taux de sérotonine est plus élevé lors de la fatigue musculaire (Bailey, Davis & Ahlborn, 1993; Davis, Alderson & Welsh, 2000). Chez l’homme, le vélo diminue les concentrations de sérotonine dans le sang comparativement au groupe contrôle qui fait des étirements. Ainsi, une légère baisse de dépression chez ceux qui faisaient de la bicyclette a été observée (Wipfli, Landers, Nagoshi & Ringenbach, 2011). Par ailleurs, chez les personnes atteintes de fatigue chronique, la densité des récepteurs sérotoninergiques est significativement réduite dans la partie rostrale du cortex cingulaire, en comparaison à des sujets contrôles (Yamamoto, et al., 2004).

Douleur chez l’humain : On conduit des expériences avec des animaux, car on les prend comme modèle dans la recherche douloureuse. La sérotonine est impliquée dans la perception de la douleur. Elle est présente dans les neurones sérotoninergiques du système nerveux central et périphérique. La sérotonine est libérée des plaquettes sanguines et des mastocytes, des cellules qui font partie des globules blancs produits par la moelle osseuse, après des dommages aux tissus. Cela exerce un effet douloureux ou analgésique, dépendamment du site d’action et du type de récepteur (Sommer, 2004; Marks, Shah, Patkar, Masand, Park & Pae, 2009).

Par Élodie Lavoie

 

Références

Bailey, S. P., Davis, J. M., & Ahlborn, E. N. (1993). Neuroendocrine and substrate responses to altered brain 5-HT activity during prolonged exercise to fatigue. Journal of Applied Physiology, 74(6), 3006-3012.

Borg, J., Andree, B., Soderstrom, H., & Farde, L. (2003). The serotonin system and spiritual experiences. American Journal of Psychiatry, 160(11), 1965-1969.

Buhot, M. C., Martin, S., & Segu, L. (2000). Role of serotonin in memory impairment. Annals of Medicine, 32(3), 210-221.

Davis, J. M., Alderson, N. L., & Welsh, R. S. (2000). Serotonin and central nervous system fatigue: Nutritional considerations. The American Journal of Clinical Nutrition, 72(2), 573s-578s.

DeNapoli, J. S., Dodman, N. H., Shuster, L., Rand, W. M., & Gross, K. L. (2000). Effect of dietary protein content and tryptophan supplementation on dominance aggression, territorial aggression, and hyperactivity in dogs. Journal of the American Veterinary Medical Association, 217(4), 504-508.

Golubchik, P., Mozes, T., Vered, Y., & Weizman, A. (2009). Platelet poor plasma serotonin level in delinquent adolescents diagnosed with conduct disorder. Progress in Neuro-Psychopharmacology and Biological Psychiatry, 33(7), 1223-1225.

Lemonde, S., Turecki, G., Bakish, D., Du, L., Hrdina, P. D., Bown, C. D., … & Ou, X. M. (2003). Impaired repression at a 5-hydroxytryptamine 1A receptor gene polymorphism associated with major depression and suicide. The Journal of Neuroscience, 23(25), 8788-8799.

Marks, D. M., Shah, M. J., Patkar, A. A., Masand, P. S., Park, G. Y., & Pae, C. U. (2009). Serotonin-norepinephrine reuptake inhibitors for pain control: premise and promise. Current neuropharmacology, 7(4), 331-336.

Poletto, R., Meisel, R. L., Richert, B. T., Cheng, H. W., & Marchant-Forde, J. N. (2010). Aggression in replacement grower and finisher gilts fed a short-term high-tryptophan diet and the effect of long-term human–animal interaction. Applied Animal Behaviour Science, 122(2), 98-110.

Raleigh, M. J., & McGuire, M. T. (1991). Bidirectional relationships between tryptophan and social behavior in vervet monkeys. Kynurenine and Serotonin Pathways, 289-298. Springer New York.

Raleigh, M. J., McGuire, M. T., Brammer, G. L., Pollack, D. B., & Yuwiler, A. (1991). Serotonergic mechanisms promote dominance acquisition in adult male vervet monkeys. Brain Research, 559(2), 181-190.

Sofia, R. D., Dixit, B. N., Dixit, N., & Barry, H. (1971). The effect of Δ 1-tetrahydrocannabinol on serotonin metabolism in the rat brain. Life Sciences, 10(8), 425-436.

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Wipfli, B., Landers, D., Nagoshi, C., & Ringenbach, S. (2011). An examination of serotonin and psychological variables in the relationship between exercise and mental health. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 21(3), 474-481.

Yamamoto, S., Ouchi, Y., Onoe, H., Yoshikawa, E., Tsukada, H., Takahashi, H., … & Watanabe, Y. (2004). Reduction of serotonin transporters of patients with chronic fatigue syndrome. Neuroreport, 15(17), 2571-2574.

Young, S. N. (2007). How to increase serotonin in the human brain without drugs. Journal of Psychiatry & Neuroscience, 32(6), 394.

Young, S. N., & Leyton, M. (2002). The role of serotonin in human mood and social interaction: Insight from altered tryptophan levels. Pharmacology Biochemistry and Behavior, 71(4), 857-865.

Yunkun, Z. (1999). Effect of swimming training on neurotransmitter amino acids and serotonin in the mice brain. Chinese Journal of Sports Medicine, 4, 012.

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